Accès au temps partiel pour convenances personnelles pour les praticiens hospitaliers universitaires : ce qu’il faut savoir
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Le régime juridique de l’intérim médical et paramédical continue d’évoluer. Tandis que le Conseil d’État a annulé partiellement un décret encadrant l’expérience minimale préalable à l’exercice en intérim, un nouveau texte réglementaire fixe désormais les plafonds de dépenses des établissements de santé et médico-sociaux pour ces prestations. Retour sur ces deux actualités complémentaires.
Par une décision du 6 juin 2025 (n° 495797), le Conseil d’État a partiellement annulé le décret n°2024-583 du 24 juin 2024 relatif à la durée minimale d’exercice préalable de certains professionnels avant leur mise à disposition par une entreprise de travail temporaire auprès d’établissements de santé, de laboratoires de biologie médicale ou de structures médico-sociales. Saisi par plusieurs organisations syndicales et professionnels, le juge administratif suprême a estimé que le texte réglementaire ne respectait pas la délimitation posée par la loi n°2023-1268 du 27 décembre 2023, notamment en ce qu’il ne distinguait pas entre les professionnels débutant dans l’intérim et ceux qui y exerçaient déjà au moment de l’entrée en vigueur de la réforme.
L’article 29 de la loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels a introduit de nouvelles obligations encadrant le recours à l’intérim médical et médico-social. Ce texte prévoit que certains professionnels de santé, paramédicaux et sociaux ne peuvent être mis à disposition par une entreprise de travail temporaire auprès d’un établissement de santé ou médico-social que s’ils justifient d’une expérience professionnelle préalable dans un cadre autre qu’un contrat d’intérim, pour une durée minimale à fixer par décret.
Pour l’application de cette disposition, le décret n°2024-583 du 24 juin 2024 a fixé une durée minimale d’exercice hors intérim de deux années à temps plein. Cette exigence s’applique notamment aux sage-femmes, aux infirmiers, aides-soignants, éducateurs spécialisés, assistants de service social, accompagnants éducatifs et sociaux, ainsi qu’aux autres professionnels de santé relevant du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique. En revanche, les médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens n’étaient pas concernés par le décret, un autre texte étant en préparation selon les indications du ministère.
Plusieurs recours ont été introduits devant le Conseil d’État, regroupant à la fois des syndicats professionnels du travail temporaire, des professionnels paramédicaux, et une association de soutien. Les requérants contestaient le décret principalement sur le fondement d’une méconnaissance de la loi, d’une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et d’un défaut de prise en compte de la situation des professionnels déjà en activité dans l’intérim. Ils soutenaient que l’obligation d’une durée minimale d’expérience hors intérim devait concerner uniquement les professionnels en début de carrière, conformément à l’intention du législateur.
Le rapporteur public, Maxime BOUTRON, a présenté des conclusions en ce sens lors de l’audience publique du 12 mai 2025. Ces éléments, rendus accessibles par le Conseil d’État, éclairent les motifs ayant conduit à l’annulation partielle du décret.
Les conclusions du rapporteur public s’appuient sur les travaux préparatoires de la loi du 27 décembre 2023 pour interpréter la finalité poursuivie. Il est rappelé que l’objectif de la réforme, tel qu’exprimé notamment dans les exposés des motifs de la proposition de loi et dans le projet initial figurant dans le PLFSS pour 2023, visait à encadrer spécifiquement le recours à l’intérim au début de la carrière des professionnels de santé.
Le législateur entendait ainsi favoriser l’intégration des jeunes diplômés au sein d’équipes pérennes et éviter un accès direct à l’intérim à l’issue de la formation initiale. Cette orientation s’inscrivait dans la volonté de stabiliser les effectifs et de préserver la continuité des soins. Les débats parlementaires, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, font état de cette intention de cibler les primo-entrants. Un amendement visant à élargir le dispositif à d’autres catégories de professionnels a d’ailleurs été écarté en commission mixte paritaire.
Sur cette base, le rapporteur public estime que l’application du décret à l’ensemble des professionnels, y compris ceux qui étaient déjà engagés dans l’intérim antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, excède la portée que le législateur avait entendu lui donner.
Le Conseil d’État reprend cette analyse dans sa décision. Il considère que le décret ne pouvait légalement imposer la condition de durée minimale d’exercice hors intérim à des professionnels déjà en poste dans ce cadre à la date d’entrée en vigueur du dispositif. En l’absence de disposition spécifique restreignant l’application du décret aux seuls primo-contractants, le texte réglementaire est jugé contraire à l’intention exprimée par le législateur.
Le juge administratif précise que si l’article 29 de la loi n’exclut pas expressément l’application de la condition aux professionnels déjà en activité, son économie générale et les travaux parlementaires montrent qu’il visait prioritairement les nouveaux entrants dans le dispositif. Ainsi, selon la décision, « la loi doit être interprétée comme ne visant, conformément à l’objectif poursuivi par le législateur, que les personnes appelées à conclure, pour la première fois, un contrat de mise à disposition avec une entreprise de travail temporaire postérieurement à son entrée en vigueur ».
En conséquence, le Conseil d’État annule partiellement le décret, uniquement « en tant qu’il ne restreint pas son application aux contrats de mise à disposition des seuls professionnels concluant, pour la première fois après son entrée en vigueur, un contrat de mission avec une entreprise de travail temporaire ».
Les conclusions du rapporteur public font également référence au droit de l’Union européenne, en particulier à la directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative au travail intérimaire. Cette directive prévoit que les restrictions au recours à l’intérim doivent être justifiées par des motifs d’intérêt général, tels que la protection des travailleurs ou la continuité du service.
Si une telle justification peut être reconnue pour encadrer le début de carrière des professionnels de santé, notamment pour garantir leur intégration dans un collectif de travail et assurer la qualité des soins, le rapporteur souligne que cette logique ne saurait s’étendre sans distinction à des professionnels expérimentés, ayant toujours exercé dans le cadre de missions temporaires.
Le Conseil d’État n’écarte pas explicitement le décret sur ce fondement, mais reconnaît implicitement qu’une application uniforme de la condition d’expérience minimale porterait une atteinte excessive aux droits des intéressés sans justification suffisante.
Les requérants avaient également soulevé un grief tenant à l’absence de mesures transitoires, invoquant une atteinte au principe de sécurité juridique. Le décret du 24 juin 2024, publié au Journal officiel le 25 juin, prévoyait une entrée en vigueur au 1er juillet 2024, soit moins d’une semaine plus tard.
Le Conseil d’État ne fait pas droit à ce moyen. Il considère que l’application immédiate des obligations prévues par le décret n’était ni matériellement impossible ni excessivement attentatoire aux intérêts en présence. Il relève par ailleurs que la loi elle-même prévoyait une entrée en vigueur différée de ses dispositions, fixée au 1er mai 2024. Les obligations introduites par le décret s’inscrivaient donc dans un calendrier déjà annoncé plusieurs mois à l’avance.
La décision du 6 juin 2025 précise que la condition de deux années d’exercice dans un autre cadre que l’intérim ne s’applique qu’aux professionnels concluant pour la première fois un contrat de mission avec une ETT après l’entrée en vigueur de la loi, soit à partir du 1er mai 2024. Elle ne concerne pas les professionnels qui étaient déjà en exercice dans le cadre de l’intérim avant cette date.
Cette clarification permet de distinguer deux situations :
Pour les professionnels de santé concernés, la décision permet de maintenir la continuité de leur exercice en intérim, sans remise en cause de leur mode d’activité. Pour les établissements de santé et médico-sociaux, elle garantit la possibilité de continuer à faire appel à ces professionnels, notamment dans les zones en tension. Pour les entreprises de travail temporaire, elle offre un cadre juridique clarifié sur les conditions de vérification à opérer avant la conclusion des contrats.
Le décret reste applicable pour les futurs entrants dans le secteur, mais devra être interprété à la lumière de la décision du Conseil d’État, sous peine de nullité.
En précisant les limites d’application du décret du 24 juin 2024, le Conseil d’État a réaffirmé la nécessité de respecter la volonté du législateur tout en assurant la proportionnalité des mesures réglementaires. Cette décision contribue à encadrer le recours à l’intérim dans le secteur de la santé, tout en tenant compte des parcours professionnels déjà établis. Elle constitue un repère important pour les professionnels, les établissements et les opérateurs du travail temporaire dans la mise en œuvre des obligations nouvelles découlant de la loi du 27 décembre 2023.
Dans le prolongement de ce cadre juridique clarifié par le Conseil d’État, le gouvernement a également publié un nouveau décret fixant cette fois-ci les plafonds de dépenses applicables à l’intérim médical et paramédical.
Le décret n° 2025-612 du 2 juillet 2025, publié au Journal officiel du 3 juillet, précise les conditions de détermination du montant plafond des dépenses engagées par les établissements publics pour les missions de travail temporaire dans le secteur de la santé et du médico-social. Ce texte est pris en application de l’article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2025 et en exécution de la décision du Conseil d’État du 28 novembre 2024 (n° 495033).
Par sa décision du 28 novembre 2024, le Conseil d’État avait annulé les dispositions réglementaires encadrant le montant plafond applicable à une journée de vingt-quatre heures d’intérim, jugeant leur formulation insuffisamment précise. Le gouvernement devait donc réviser ce cadre dans un délai de six mois.
Le nouveau décret répond à cette injonction et complète l’encadrement du recours à l’intérim dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques et de régulation du marché de l’intérim médical et paramédical.
Le texte s’applique :
1. Mise en œuvre du plafonnement
Le plafonnement des dépenses engagées par un établissement public au titre des prestations d’intérim est activé pour une catégorie de professionnels lorsque le coût moyen d’une mise à disposition excède de 60 % celui d’un professionnel permanent de la même catégorie.
Cette estimation repose sur une enquête menée au moins tous les deux ans par l’autorité administrative auprès des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux.
2. Définition du plafond horaire
Les plafonds horaires correspondent au montant total des dépenses engagées pour l’emploi d’un professionnel dans le cadre d’une mission d’intérim.
Ils incluent :
3. Fixation des plafonds par arrêté
Les montants précis seront fixés par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé, du ministre chargé des affaires sociales et du ministre chargé du budget.
Ces arrêtés tiendront compte :
Les plafonds pourront intégrer des spécificités territoriales et seront augmentés pour les professionnels exerçant en Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, afin de prendre en compte les majorations spécifiques applicables aux personnels permanents.
4. Entrée en vigueur et mesures transitoires
Le décret est entré en vigueur immédiatement, pour les contrats conclus à compter du 1er juillet 2025.
Toutefois, entre le 1er juillet et le 1er octobre 2025 :
Ce texte s’inscrit dans une démarche visant à :
Les établissements publics et les entreprises de travail temporaire devront se référer aux arrêtés ministériels à paraître pour connaître le montant des plafonds horaires applicables à chaque catégorie de professionnels. Le dispositif prévoit un mécanisme d’ajustement régulier, via l’enquête biennale, pour suivre l’évolution du coût relatif de l’intérim par rapport aux rémunérations permanentes.
Ces deux actualités illustrent la volonté des pouvoirs publics de renforcer le pilotage de l’intérim médical et paramédical, tant en définissant le périmètre des professionnels concernés que les plafonds de dépenses applicables. Les prochaines étapes porteront sur la publication des arrêtés fixant les plafonds précis ainsi que sur l’adaptation des pratiques des établissements de santé et des entreprises de travail temporaire aux nouvelles règles désormais en vigueur.
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