Les agressions contre les médecins : un climat de travail sous tension
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Les violences sexistes et sexuelles (VSS) sous relation d’autorité ou de pouvoir, longtemps sous-évaluées, font aujourd’hui l’objet d’une attention accrue. La prise de conscience sociétale a été amplifiée par des initiatives telles que #MeToo, mais les institutions doivent aller plus loin pour prévenir et sanctionner ces comportements.
En France, trois événements majeurs ont marqué une évolution récente sur ce sujet dans le monde médical : la publication le 18 novembre 2024 d’un rapport gouvernemental sur les VSS, la diffusion le 20 novembre 2024 d’une vaste enquête du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), et enfin l’entrée en vigueur d’une certification obligatoire pour les établissements de santé dès le 21 janvier 2025.
Parallèlement, de nouveaux dispositifs dans le monde universitaire, des alertes sur la santé mentale des internes et de nouvelles exigences en matière de traitement des signalements montrent que le chantier s’élargit.
Un rapport au gouvernement, rédigé par une mission interministérielle en septembre 2024, a approfondi la question des violences sexistes et sexuelles dans différents secteurs professionnels. Ce rapport souligne que près de 1,4 million de femmes en France ont été victimes de VSS hors cadre familial en 2021, mais seulement 2 % de ces victimes ont porté plainte. Les mécanismes d’emprise, qui se manifestent par des comportements manipulatoires, des pressions psychologiques ou une dynamique de pouvoir visant à priver les victimes de leur autonomie, et d’abus de pouvoir, couplés à un manque criant de structures d’écoute et de soutien, contribuent à entretenir cette sous-déclaration.
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Dans ce rapport, le secteur de la santé est pointé comme « particulièrement à risque », notamment en raison de spécificités telles que :
· une structure hiérarchique rigide ;
· des conditions de travail très exigeantes : horaires atypiques, isolement physique (être seul dans une unité ou pendant des horaires de nuit) ou social (absence de soutien ou de supervision) ;
· fortes pressions professionnelles.
Ces facteurs amplifient les risques d’abus, comme le souligne le rapport, et favorisent un climat propice aux violences sexistes et sexuelles.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins a réalisé une enquête d’envergure auprès des médecins sur les violences sexistes et sexuelles dans la profession médicale. Ce travail, inédit par son ampleur, révèle des chiffres alarmants. Menée entre le 3 septembre et le 14 octobre 2024, cette enquête a mobilisé plus de 21 000 médecins (en activité, retraités ou encore docteurs juniors). Ses conclusions mettent en lumière une réalité alarmante : les violences sexistes et sexuelles persistent tout au long du parcours médical, depuis les études jusqu’à la carrière professionnelle.
Parmi les résultats marquants, 54 % des femmes médecins en activité ont déclaré avoir été victimes de telles violences, contre seulement 5 % des hommes. Les types de violences recensés sont variés :
• 49 % d’outrages sexistes et sexuels,
• 18 % de harcèlement sexuel,
• 9 % d’agressions sexuelles,
• 2 % de viols.
Ces violences se manifestent de manière particulièrement intense durant les études médicales. Cette période est d’autant plus critique que la profession est marquée par une féminisation croissante alors que les postes d’encadrement et de pouvoir restent majoritairement occupés par des hommes. Ce déséquilibre structurel favorise l’émergence de comportements abusifs.
L’enquête met également en lumière que les agresseurs identifiés proviennent majoritairement du milieu médical lui-même : un médecin sur quatre a été victime de violences commises par un confrère (qu’il s’agisse d’étudiants, d’enseignants ou de maîtres de stage). En milieu professionnel, ce sont principalement les responsables de service et les collègues médecins qui commettent ces violences.
Malgré la gravité des faits, les signalements restent rares. Seuls 3 % des victimes ont informé l’Ordre des médecins. Cette situation s’explique par des freins structurels tels que la peur de représailles, la honte ou la peur de ne pas être crédibles. De plus, la connaissance des sanctions possibles demeure lacunaire : seulement 28 % des médecins savent quelles aides sont disponibles pour les victimes, comme l’accès à des cellules d’écoute professionnelles et indépendantes, un accompagnement juridique subventionné via des fonds d’aide spécifiques, et des formations pour aider à se reconstruire (par exemple, en psychotraumatisme ou en art-thérapie).
Le Dr François Arnault, président du CNOM, a réaffirmé l’engagement de l’institution : « Nous devons aux victimes de trouver ensemble les solutions pour que ces violences disparaissent du monde médical. »
Face aux situations de violences en milieu médical, le gouvernement a décidé « un plan d’actions pour en finir avec l’inacceptable » selon les mots du Ministre rapporté dans un communiqué de presse publié le 20/01/2025.
Le ministre de la Santé a annoncé le 17 janvier 2025 un plan d’action ambitieux lors de son déplacement aux hospices civils de Lyon.
Ce plan repose sur quatre axes majeurs :
1. objectiver et suivre les situations de VSS,
2. lever les freins au signalement,
3. renforcer l’efficacité des procédures,
4. sensibiliser massivement à la prévention des violences sexistes et sexuelles.
9 mesures concrètes ont été identifiées pour décliner ces axes
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Ces mesures, selon Yannick Neuder, visent à contrer une culture d’omerta souvent présente dans le monde de la santé, en renforçant la responsabilisation et la mobilisation de tous les acteurs, qu’ils soient étudiants, encadrants ou dirigeants.
La conjugaison des efforts du Cnom, de la mission interministérielle et des nouvelles obligations de certification marque un tournant concret dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles en France.
En parallèle de l’action du ministère de la Santé, le monde universitaire a également intensifié sa réponse. Le 10 décembre 2024, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a publié un guide méthodologique sur le traitement des signalements de violences dans les universités et établissements de santé, notamment les facultés de médecine. Ce guide vise à doter chaque gouvernance d’un protocole clair, conforme aux exigences juridiques et adapté aux réalités du terrain.
Parmi ses objectifs : garantir une réponse coordonnée, une orientation rapide vers les bons interlocuteurs (cellule d’écoute, référents, services juridiques ou de soins), et un meilleur suivi des procédures. Le document souligne également le rôle central de la présidence d’université dans la gestion des alertes, y compris lorsque les faits concernent des enseignants, des maîtres de stage ou des encadrants hospitaliers.
Ce guide vient répondre à une forte attente de la part des étudiants en santé, qui dénoncent depuis plusieurs années l’opacité des mécanismes de signalement dans leurs facultés.
Dans un article publié le 8 octobre 2025 dans Le Monde, plusieurs représentants d’étudiants, d’enseignants et d’instances médicales soulignent que la plupart des facultés de médecine restent « au milieu du gué ». Bien que des référents VSS aient été désignés dans presque tous les établissements, leurs moyens sont jugés insuffisants, tout comme leur indépendance.
Certaines facultés peinent encore à mettre en œuvre les recommandations du ministère de l’Enseignement supérieur, malgré la disponibilité d’outils et de guides. L’article met en lumière un fossé entre les ambitions affichées et les moyens opérationnels réels. Dans ce contexte, les témoignages d’étudiants restent essentiels pour continuer à faire pression sur les institutions.
Au-delà des chiffres et des politiques publiques, les témoignages des étudiants et professionnels de santé révèlent la réalité humaine derrière les violences sexistes et sexuelles en milieu médical. Le Dr Nazmine Guler, médecin urgentiste et formatrice en hypnose, partage régulièrement des récits recueillis lors de séminaires dédiés aux étudiants en santé. Ces témoignages, souvent poignants, mettent en lumière la persistance de la maltraitance et de l’anxiété chez les futurs soignants.
Face à cette réalité, des initiatives émergent pour offrir un accompagnement bienveillant et confidentiel. Le Programme M, par exemple, propose un soutien gratuit et confidentiel à tous les étudiants et professionnels de santé confrontés à des situations de mal-être, de violences ou d’épuisement. Un réseau de pairs aidants est disponible pour écouter et accompagner les victimes, qu’il s’agisse de médecins, pharmaciens, sages-femmes, vétérinaires, infirmiers ou kinésithérapeutes.
📞 Numéro d’appel : 01 40 54 53 77 ✉️ Contact : contact@programme-m.fr
Le 6 novembre 2024, l’Intersyndicat national des internes (ISNI) publiait une enquête alarmante sur la santé mentale des étudiants et internes en médecine. Réalisée auprès de 7 500 internes, cette étude révèle que plus d’un interne sur deux présente des symptômes d’anxiété, et plus d’un tiers des signes de dépression.
Les VSS, la maltraitance durant les stages hospitaliers, la surcharge de travail et l’absence de soutien psychologique adapté sont parmi les principaux facteurs de détresse identifiés. L’ISNI appelle à des réponses concrètes, notamment :
Pour répondre à ces constats, le gouvernement a mis en place une certification obligatoire pour tous les établissements de santé de plus de 50 salariés, effective depuis le 21 janvier 2025. Cette mesure, annoncée par Yannick Neuder, ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins, vise à renforcer les dispositifs de prévention, de signalement et de traitement des VSS.
Cette certification, déjà évoquée plus haut, s’inscrit dans le cadre du plan d’action global structuré autour de 4 axes et 9 mesures concrètes présenté plus haut. Cette obligation illustre la volonté de passer de la parole aux actes.
Entre alertes, témoignages et actions institutionnelles, l’année 2024-2025 marque un tournant dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le milieu médical. Si beaucoup reste à faire, la mobilisation des instances comme le CNOM, l’ISNI, les ministères et les universités témoigne d’une prise de conscience partagée. Désormais, l’enjeu est de garantir que les dispositifs mis en place soient connus, accessibles et efficaces pour protéger celles et ceux qui soignent.
Reste désormais à s’assurer que ces engagements se traduisent en actes concrets, visibles et durables, dans tous les lieux de formation et d’exercice. Le monde médical ne peut plus se permettre d’ignorer ces violences.
Sources :
Mis à jour le 27/10/2025
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