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La violence contre les médecins : un climat de travail de plus en plus dégradé

 

La violence contre les médecins un climat de travail de plus en plus dégradé

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La violence à l’encontre des médecins est un phénomène préoccupant qui ne cesse de s’amplifier. Selon les données recueillies par le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) dans son Observatoire de la sécurité des médecins pour l’année 2022, les incidents violents envers les médecins ont atteint un niveau alarmant, avec une hausse notable par rapport aux années précédentes.

 

Une augmentation significative des incidents

En 2022, le nombre total de déclarations d’incidents violents envers les médecins a atteint 1 244, contre 1 009 en 2021, soit une augmentation de 23 %. Cette progression s’inscrit dans une tendance à la hausse observée ces dernières années, reflétant une détérioration continue du climat de travail pour les professionnels de santé. La moyenne annuelle des déclarations d’incidents depuis le début du recensement en 2003 était de 841, ce qui montre une nette aggravation de la situation actuelle.
Les données montrent que les agressions verbales et les menaces représentent la majorité des incidents signalés, avec une proportion de 73 % des cas en 2022, contre 70 % en 2021. Les agressions physiques, bien que moins fréquentes, ont également augmenté, passant de 86 incidents en 2021 à 92 en 2022. Ces chiffres témoignent d’un environnement de travail de plus en plus hostile pour les médecins, quel que soit leur lieu d’exercice. Les violences se produisent principalement dans les cabinets médicaux (54 %), mais aussi dans les établissements de soins publics et privés (23 %).

Répartition des déclarations d’incidents par région

La violence contre les médecins 1

C’est la région Nord (Hauts-de-France qui concentre le plus de faits de violences à l’encontre des médecins.

Profil des incidents et des victimes

Les médecins généralistes sont les plus touchés par ces violences, représentant environ 57 % des victimes en 2022. Parmi les autres spécialités impactées, les psychiatres, les cardiologues et les gynécologues-obstétriciens figurent parmi les plus exposés. Le rapport révèle également que les incidents se produisent principalement dans les cabinets médicaux (73 %), suivis des établissements de soins (23 %), soulignant que la violence touche autant les médecins en milieu urbain qu’en milieu rural.
L’agresseur est majoritairement le patient (58 % des cas en 2022), suivi des personnes l’accompagnant (18 %). Ces agressions, souvent motivées par des frustrations liées à la prise en charge, au refus de prescriptions, ou encore aux temps d’attente jugés excessifs, mettent en lumière un rapport de force nouveau dans la relation soignants -soignés. L’ « autorité naturelle présumée » du médecin n’est plus ressentie comme avant et les exigences du malade sont plus « désinhibées ».

Les femmes davantage touchées que les hommes

Violence contre les médecins 2

Les femmes médecins continuent d’être davantage victimes d’agressions que leurs collègues masculins.

 

Un appel urgent à l’action des syndicats et du CNOM

Face à cette montée des violences depuis ces dernières années, une dizaine de syndicats représentatifs des médecins et des internes ont publié une position intersyndicale le 27 août 2024. Ce communiqué souligne la gravité de la situation et appelle à une réaction forte des pouvoirs publics pour protéger les médecins et plus largement les professionnels de santé.
Les signataires incluent le Syndicat des médecins libéraux (SML), la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), la Fédération des médecins de France (FMF), Avenir Spé-Le Bloc, la Fédération française des médecins généralistes (MG France), l’Union française pour une médecine libre-syndicat (UFML-S), le collectif Médecins pour demain, le syndicat Jeunes Médecins, le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Reagjir), et l’Intersyndicale nationale des internes (Isni).
Ces syndicats dénoncent une situation « alarmante et inacceptable » et appellent à des mesures d’urgence telles que le renforcement de la sécurité dans les établissements de santé, l’application de sanctions exemplaires contre les agresseurs, et la mise en place de campagnes de sensibilisation auprès du public. Ils soulignent que les agressions, par leur caractère répétitif et violent, menacent gravement l’accès aux soins, en particulier dans les territoires déjà en difficulté.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins dans son communiqué publié le 22 août 2024 met en avant son rôle de soutien moral et d’entraide envers les médecins victimes, à travers ses conseils départementaux. Cette proximité est présentée comme essentielle pour aider les médecins qui subissent ces violences, parfois avec des conséquences psychologiques lourdes.
Certains acteurs privés, comme les mutuelles, s’inscrivent dans ce mouvement d’entraide. M-soigner organisme de formation soutenu par Groupe Pasteur Mutualité, propose aux professionnels de santé de se former à la gestion de l’agressivité des patients et de leur entourage.

En conclusion, les violences contre les médecins en France continuent de croître, mettant en péril la sécurité des professionnels de santé et, par extension, la qualité des soins prodigués aux patients. Cette situation exige des réponses immédiates et des investissements accrus dans le secteur de la santé pour garantir un environnement de travail sécurisé et respectueux pour les soignants. Les appels des syndicats et du CNOM rappellent l’urgence de protéger ceux qui, au quotidien, assurent la santé des citoyens, et plaident pour une mobilisation collective des pouvoirs publics et de la société.

 

Sources :