Retour sur la réforme de l’internat en médecine générale
Dès son annonce, la réforme de l’internat en médecine générale par la création d’une 4ème année a suscité de vives réactions et un débat intense au sein de la communauté médicale en France. Voici un récapitulatif chronologique des événements marquants et des solutions apportées à la suite des discussions entre le gouvernement et les syndicats d’internes en médecine générale.
Eté 2022 : annonce de la réforme
Le gouvernement a annoncé à l’été 2022 la création d’une 4ème année de l’internat en médecine générale dans le cadre des débats à venir à l’Assemblée nationale sur le projet de Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023.
Cette réforme visait à renforcer la formation pratique des futurs médecins généralistes, en ajoutant une année supplémentaire dédiée principalement à des stages en zones sous-dotées en professionnels de santé.
14 octobre et 17 novembre 2022 : début de la contestation
Les premières contestations ont émergé avec deux mobilisations nationales des externes et des internes les 14 octobre 2022 et le 17 novembre 2022, soutenues par la quasi-totalité des syndicats de médecins « seniors ».
Les syndicats d’internes, notamment l’Intersyndicale Nationale Autonome Représentative des Internes de Médecine Générale (ISNAR-IMG) , ont exprimé leur mécontentement, arguant que cette réforme était une manière déguisée de combler le manque de médecins dans les déserts médicaux sans résoudre les problèmes structurels sous-jacents.
28 novembre 2022 : adoption en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 a été considérée comme adoptée le 28 novembre 2023 par l’Assemblée nationale après que le gouvernement Borne ait eu recours à l’article 49-3 de la Constitution.
Mars 2023 : Grèves et Manifestations
En mars, les tensions sont montées d’un cran avec des grèves et des manifestations organisées entre autres par les internes en raison de l’absence de réponse du ministère à leurs demandes d’audience.
Ils dénonçaient les conditions de travail déjà difficiles, le manque de supervision adéquate dans certaines régions, et l’absence de mesures d’accompagnement suffisantes pour les stagiaires envoyés dans les zones sous-dotées.
Avril 2023 : Discussions et Négociations
Sous la pression, le ministère de la Santé a entamé des discussions avec les représentants des internes. Les négociations ont été difficiles, les internes demandant des garanties sur la qualité de leur formation et des compensations financières pour ceux qui seraient affectés dans les zones en tension.
Mai 2023 : Premières Propositions
En mai 2023, le gouvernement a proposé une série de mesures pour tenter de calmer la situation. Parmi celles-ci, une revalorisation des indemnités de stage, la mise en place de logements pour les internes dans les zones rurales, et un meilleur encadrement des stages par des praticiens expérimentés.
Juin 2023 : Accord Partiel
En juin, un accord partiel a été trouvé. Les syndicats ont obtenu des concessions sur plusieurs points, mais certains internes ont continué à exprimer leurs préoccupations, notamment sur la mise en œuvre concrète des mesures annoncées.
Concessions obtenues :
• Amélioration de la rémunération : Augmentation des salaires pour les internes de quatrième année.
• Flexibilité des stages : Possibilité de réaliser un des deux stages semestriels en milieu hospitalier, sous certaines conditions.
• Encadrement renforcé : Garantie d’un nombre suffisant de maîtres de stage pour superviser les internes.
• Adaptation aux projets professionnels : Demi-journées dédiées adaptées au projet professionnel de chaque interne.
Août 2023 : publication d’un arrêté
L’arrêté du 3 août 2023 portant modification de la maquette de formation du diplôme d’études spécialisées de médecine générale a été publié au journal officiel du 9 août 2023.
Le cursus s’étend sur 8 semestres, incluant au moins 4 semestres en médecine générale sous la supervision de praticiens maîtres de stage universitaire.
Il distingue 3 phases de formation :
1. Phase socle (2 semestres) : Acquisition des bases cliniques, avec des stages en médecine générale et d’urgence, et des enseignements sur la gestion des urgences et la relation au patient.
2. Phase d’approfondissement (4 semestres) : Accent sur la coordination des soins, la gestion des pathologies chroniques, et la santé de la femme et de l’enfant.
3. Phase de consolidation (2 semestres) : Préparation à l’insertion professionnelle avec des stages en secteur ambulatoire et un focus sur les pathologies chroniques et l’accompagnement de fin de vie.
Septembre 2023 : Application de la Réforme
La réforme a officiellement été mise en place à la rentrée 2023 pour les étudiants en médecine générale entrant en 1ère année d’internat. Ils seront les premiers à faire leur internat en 4 ans et non plus 3 ans. Des comités de suivi ont été établis pour évaluer l’impact de la quatrième année et ajuster les mesures si nécessaire. Le gouvernement a également promis des bilans réguliers pour s’assurer que les objectifs de formation étaient atteints sans sacrifier la qualité de vie des internes.
Décembre 2023
À la fin de l’année 2023, des incertitudes subsistaient sur l’encadrement et les conditions de travail des internes.
Début 2024
Plusieurs réunions et tables rondes ont été organisées pour discuter des retours d’expérience et des points à améliorer. Des ajustements incluant une meilleure allocation des ressources pour l’encadrement et des compensations financières supplémentaires pour les stages dans les zones sous-dotées ont été obtenus.
Juin 2024 : une réforme en stand-by
La dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le Président de la République le 9 juin 2024 a stoppé les avancées sur cette réforme.
Septembre 2024
Les syndicats représentant les internes continueront de mettre la pression sur le futur gouvernement Barnier pour clarifier et finaliser les modalités de cette réforme car leur demande de report formulée auprès du précédent ministère de la Santé est restée sans réponse.
Il manque notamment des précisions sur le statut du Docteur Junior Ambulatoire (rémunération, conventions pour les agréments de stage, locaux, etc.), les maîtres de stage universitaires (recrutement, formation) ainsi que les modalités d’encadrement des thèses, dont le délai est passé de 6 à 3 ans, alors que le nombre de directeurs et jurys de thèse disponibles n’a jamais été aussi bas en Médecine Générale.
Sources réglementaires :
La réforme de la 4ème année de l’internat en médecine générale, instaurée en 2023, a été encadrée par plusieurs textes législatifs et réglementaires.
Sources :
• Article 23 du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2023 : Cet article a été adopté via l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution, permettant son passage sans vote à l’Assemblée nationale.
• Décrets d’application relatifs à la quatrième année d’internat : Ces décrets précisent les modalités de mise en œuvre de cette année supplémentaire, notamment les conditions de stage dans les zones sous-denses.
• Proposition de loi Retailleau : Cette proposition visait à formaliser la 4ème année d’internat, en soulignant son importance pour renforcer la présence médicale dans les déserts médicaux.