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La SFMU met en place un guide d’organisation des structures d’urgence

La SFMU met en place un Guide d’organisation des structures d’urgence

 

Estimation du temps de lecture : 7 min

 

La médecine d’urgence occupe une place singulière dans notre système de santé. Elle est la première porte d’entrée pour des millions de patients chaque année, qu’il s’agisse de situations vitales, de pathologies graves ou de recours par défaut en raison des difficultés d’accès aux soins. Pourtant, cette discipline reste une spécialité jeune, encore en quête de reconnaissance et trop souvent perçue comme une zone grise de l’organisation hospitalière.

 

Une carte d’identité pour une spécialité en quête de reconnaissance

Pour répondre à ces enjeux, la Société française de médecine d’urgence (SFMU) et Samu-Urgence de France ont élaboré un document inédit : le Guide d’organisation des structures d’urgence en France. Présenté lors du Congrès « Urgences 2025 », qui s’est tenu les 4, 5 et 6 juin au Palais des Congrès de Paris, ce texte rassemble 165 recommandations et 21 questions structurantes. Plus qu’un simple cahier des charges, il se veut une véritable « carte d’identité » de l’urgentiste et de ses structures. Conçu pour évoluer, il ambitionne de poser les bases d’une médecine d’urgence mieux définie, plus lisible et mieux reconnue.

 

1. Une discipline en quête de reconnaissance

Depuis sa création comme spécialité médicale à part entière, la médecine d’urgence souffre d’un paradoxe : omniprésente dans la vie des patients, elle reste parfois mal identifiée dans le paysage médical. Trop souvent, les urgences sont vues comme le lieu où « tout se passe et tout est possible », avec une confusion entre ce qui relève du soin immédiat et ce qui découle de l’absence d’alternatives dans le système de santé.

Le guide affirme clairement que cette vision ne peut plus durer. L’un de ses messages forts est de redonner une identité claire à la discipline en positionnant l’urgentiste comme « le médecin des vingt-quatre premières heures ». Cette formule résume bien la spécificité du rôle : prendre en charge, stabiliser, diagnostiquer et orienter, dans une temporalité resserrée et décisive.

Cette réaffirmation identitaire vise aussi à renforcer l’attractivité de la spécialité. Dans un contexte marqué par des difficultés de recrutement et des tensions sur les effectifs, donner du sens au métier et reconnaître sa spécificité apparaît comme une condition indispensable pour fidéliser les équipes.

 

2. Un référentiel pratique et évolutif

Au-delà du positionnement symbolique, le guide se veut un outil concret et opérationnel. Il détaille les conditions minimales pour organiser un service d’urgence :

Ce référentiel ne se présente pas comme un document figé. Il est appelé à s’enrichir et évoluer au fil du temps, en fonction des transformations de la discipline, des innovations technologiques et des évolutions sociétales. Cette dimension dynamique en fait un outil vivant, conçu pour accompagner la médecine d’urgence dans ses mutations.

 

3. Qualité et sécurité des soins : un objectif central

L’un des enjeux majeurs du guide est d’améliorer la qualité et la sécurité des prises en charge. Les urgences sont par définition des lieux de tension, où la rapidité d’action doit coexister avec l’exigence de précision. Cette dualité expose à des risques diagnostiques et thérapeutiques.

Le référentiel insiste sur la nécessité de protocoles homogènes, d’indicateurs de suivi et de retours d’expérience systématiques. L’objectif est clair : réduire les erreurs diagnostiques et renforcer la sécurité des patients.

Ce point fait directement écho à notre article « Erreurs diagnostiques aux urgences : des manquements encore trop fréquents aux conséquences parfois irréversibles ». Les solutions avancées par le guide – formation continue, standardisation des pratiques, dispositifs d’audit – répondent aux constats que nous avions relevés.

La sécurité concerne aussi les populations les plus vulnérables. Le guide consacre des volets spécifiques aux urgences pédiatriques et gériatriques, où les besoins sont particuliers, ainsi qu’à la gestion des situations sanitaires exceptionnelles (catastrophes, crises épidémiques, afflux massifs de victimes). Autant de domaines où la préparation et la coordination sont déterminantes.

 

4. La régulation médicale, clef de voûte du dispositif

La régulation médicale occupe une place centrale dans le référentiel. Elle est décrite comme le premier maillon du parcours d’urgence, permettant de trier les appels, d’évaluer la gravité et d’orienter vers la structure la plus adaptée.

Ce rôle pivot rejoint les constats développés dans notre article « Régulation médicale : au cœur du dispositif des urgences ». L’articulation entre la médecine de ville, les SAMU et les services hospitaliers est présentée comme la condition indispensable d’une réponse efficace.

En insistant sur cette dimension, le guide rappelle que la crise des urgences ne peut être résolue sans un renforcement de la médecine préhospitalière et de ses capacités de régulation. L’enjeu est aussi d’éviter les passages inappropriés, qui contribuent à saturer les structures hospitalières.

 

5. Répondre à la crise des urgences

La publication de ce guide intervient dans un contexte tendu. Comme nous l’avions analysé dans nos articles « No bed challenge : services d’urgences saturés », « Urgences hospitalières en crise : constats, défis et solutions » ou encore « Nombre de passage aux urgences en 2024 : chiffres clés et tendances », les services sont confrontés à une hausse continue de la fréquentation, aggravée par la pénurie de lits d’aval et les difficultés de recrutement.

Le guide propose une réponse structurelle à ces défis. En clarifiant le rôle des urgentistes, en fixant des standards organisationnels et en mettant l’accent sur la qualité et la régulation, il offre un cadre pour dépasser la logique de gestion au jour le jour.

Il ne prétend pas, à lui seul, résoudre la crise des urgences. Mais il fournit un langage commun et des repères partagés qui peuvent orienter les décisions politiques et les choix de financement. C’est un outil de plaidoyer autant que de régulation, destiné à peser dans les débats sur l’avenir du système de santé.

 

6. Formation et attractivité : préparer l’avenir

Un autre axe fort du document est la question de la formation. La médecine d’urgence a besoin de filières universitaires solides, capables de transmettre des compétences spécifiques et de fidéliser les jeunes générations. Le guide insiste sur la nécessité d’un enseignement structuré, tant en formation initiale que continue.

L’attractivité de la spécialité est un enjeu majeur. Le travail en tension permanente, les horaires atypiques et le poids des responsabilités exposent à des risques de désaffection. Donner de la lisibilité au métier, renforcer la reconnaissance institutionnelle et améliorer les conditions de travail apparaissent comme des leviers indispensables pour construire l’avenir de la discipline.

 

La médecine d’urgence une spécialité récente

La médecine d’urgence est devenue une spécialité médicale à part entière en France en 2015. Le 13 novembre 2015, le DES (Diplôme d’études spécialisées) de médecine d’urgence a été créé, faisant de la France le 20ᵉ pays de l’Union européenne à reconnaître officiellement cette discipline.

·       Le DES de médecine d’urgence, d’une durée de 4 ans, comprend des stages (urgences adultes, pédiatriques, SAMU-SMUR, réanimation, médecine interne, anesthésie) et un enseignement théorique structuré.

·       Les premiers internes ont intégré cette filière dès la rentrée universitaire 2017-2018 (après la réforme des maquettes d’internat), et les premiers spécialistes diplômés sont sortis à partir de 2021.

 

Avant 2015 : un statut hybride

Avant la reconnaissance officielle, l’urgence hospitalière reposait surtout sur :

·       le DESC (Diplôme d’études spécialisées complémentaires) de médecine d’urgence, créé en 2004, qui constituait une première étape vers la structuration de la discipline ;

·       la présence de nombreux médecins généralistes ou d’autres spécialités exerçant aux urgences, parfois avec un DU ou DIU de médecine d’urgence ou de régulation médicale.

 

Dispositif transitoire de reconnaissance

Afin de ne pas exclure les praticiens déjà en poste, une procédure de reconnaissance des acquis de l’expérience a été ouverte jusqu’en 2021. Elle a permis à des médecins expérimentés d’obtenir officiellement le titre de spécialiste en médecine d’urgence.

 

Source : Annales françaises de médecine d’urgence / Histoire de l’enseignement de la médecine d’urgence en France jusqu’à la création du diplôme d’études spécialisées / Volume 15, numéro 1, Janvier-Février 2025

 

 

En résumé

Le Guide d’organisation des structures d’urgence en France constitue une avancée majeure pour la médecine d’urgence. En posant 165 recommandations et 21 questions, il dresse une véritable carte d’identité de la spécialité, à la fois pratique et symbolique.

Il répond à une double exigence : sortir du flou identitaire en affirmant le rôle de l’urgentiste comme médecin des premières 24 heures, et outiller les professionnels pour améliorer la qualité et la sécurité des prises en charge.

Ce texte s’inscrit aussi dans une dynamique plus large : il vient compléter les analyses déjà menées sur la régulation, la saturation, l’augmentation des passages ou les erreurs diagnostiques. En ce sens, il constitue un fil conducteur qui relie nos précédents articles et ouvre des perspectives nouvelles.

En définitive, le guide n’est pas seulement un référentiel technique. Il est aussi un outil de reconnaissance, de mobilisation et de transformation, destiné à faire entrer la médecine d’urgence dans une nouvelle étape de son développement. Pour les professionnels comme pour les décideurs, il offre une boussole précieuse dans la refondation d’un système d’urgence à la fois plus lisible, plus sûr et plus humain.

 

Source : Référentiels SFMU / Société Française de Médecine d’Urgence – SFMU

 

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