Événements indésirables graves associés aux soins (EIGS) : bilan 2023 de la HAS
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Les événements indésirables graves associés aux soins, ou EIGS, représentent une problématique centrale dans les politiques de sécurité du patient. Comprendre ce dispositif, ses objectifs et son fonctionnement est essentiel pour toute personne engagée dans une pratique de soins responsable.
Le 12 septembre 2025, la Haute Autorité de Santé (HAS) a publié son 8ᵉ bilan annuel consacré aux événements indésirables graves associés aux soins (EIGS), recensés au titre de l’année 2024. Ce rapport, établi à partir des déclarations effectuées par les professionnels de santé via les Agences Régionales de Santé (ARS), vise à identifier les défaillances dans les parcours de soins et à promouvoir des mesures correctrices pour renforcer la sécurité des patients.
Avant d’aborder les types d’incidents concernés, il convient de poser les bases réglementaires et conceptuelles qui définissent ce qu’est un EIGS.
Un Événement Indésirable Grave associé aux Soins (EIGS) est un incident qui survient au cours d’une prise en charge médicale, chirurgicale ou de suivi, ayant entraîné la mort, la mise en jeu du pronostic vital ou un déficit fonctionnel permanent, et qui est potentiellement évitable.
Ce dispositif est encadré par le décret n°2016-1606 du 25 novembre 2016. Il s’intègre dans la politique nationale de sécurité des soins et de gestion des risques, coordonnée par les Agences régionales de santé (ARS) et centralisée par la Haute Autorité de Santé (HAS).
Tous les événements indésirables ne sont pas considérés comme des EIGS. Cette distinction repose sur la gravité de l’incident et sa potentielle évitabilité.
Exemple : une chute sans conséquence n’est pas un EIGS. Une chute entraînant un traumatisme crânien dans un contexte de défaut de surveillance en est un.
Les EIGS peuvent survenir dans des contextes variés, médicaux, chirurgicaux, médicamenteux ou organisationnels. Voici les principales catégories identifiées par la HAS.
Les EIGS d’origine médicale surviennent souvent lors de retards ou d’erreurs diagnostiques.
Exemple : en 2024, plusieurs cas d’AVC ont été mal identifiés en soins de ville, entraînant une perte de chance pour les patients.
Ces événements sont associés à des erreurs opératoires ou à une mauvaise gestion postopératoire.
Exemple : oubli de compresses dans le champ opératoire, ou blessure d’un organe par mauvaise préparation.
Les erreurs médicamenteuses représentent plus de 13 % des EIGS.
Exemples : surdosage d’insuline en EHPAD ; erreur de programmation d’une pompe à perfusion entraînant un surdosage létal.
Il existe d’autres types d’EIGS, moins fréquents mais tout aussi graves :
Déclarer un EIGS n’est pas une sanction, c’est une démarche constructive, au cœur de la politique de qualité et de sécurité des soins.
Les EIGS, une fois signalés, permettent d’identifier les vulnérabilités des organisations et d’adopter des mesures correctives. C’est un levier fondamental pour renforcer la sécurité du patient.
Analyser les EIGS permet de comprendre les erreurs, souvent d’origine multifactorielle (humaines, techniques, organisationnelles), pour ne pas les reproduire.
La déclaration permet de corriger les dysfonctionnements avant qu’ils ne causent d’autres dommages. Elle contribue à un système de soins plus sûr et plus fiable.
Les revues de morbi-mortalité, les formations ciblées, les audits internes sont autant d’actions issues de la déclaration d’EIGS, qui renforcent la qualité des soins.
Le signalement d’un EIGS repose sur une responsabilité partagée entre les professionnels de santé et les structures dans lesquelles ils exercent.
Tout professionnel ayant connaissance d’un EIGS doit le signaler, y compris s’il n’est pas directement impliqué.
Les établissements doivent organiser la déclaration, coordonner les analyses internes (ex. : méthode ALARM) et transmettre les informations à l’ARS.
La déclaration des EIGS est obligatoire. Son absence peut être considérée comme une défaillance grave, pouvant entraîner des contrôles, voire des suspensions d’activité par l’ARS.
La déclaration suit une procédure encadrée et documentée, destinée à produire un retour d’expérience utile pour l’établissement et les autorités de santé.
L’objectif du dispositif EIGS ne se limite pas à la déclaration. Il s’agit aussi de comprendre, d’agir et de s’améliorer collectivement.
L’analyse doit porter sur les causes immédiates et profondes de l’événement, à l’aide de méthodes comme ALARM, REM ou les CREX.
| Encadré – Méthodes d’analyse des causes d’un EIGS
Les méthodes ALARM, REM et CREX permettent une compréhension approfondie des causes d’un événement indésirable grave, avec une logique d’amélioration continue plutôt que de recherche de responsabilité individuelle. Méthode ALARM ALARM est l’acronyme de Association of Litigation and Risk Management (Royaume-Uni), soit Association de gestion du contentieux et du risque.
Exemple d’usage : décès survenu en salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI), faute de monitoring adapté. REM – Revue des Événements Mortels ou Marquants Inspirée du modèle anglo-saxon des Mortality and Morbidity Reviews (revues de mortalité et morbidité), la REM consiste à analyser a posteriori un décès ou un événement très grave survenu au cours d’une prise en charge. Exemple d’usage : décès d’un patient après un retard diagnostique aux urgences. CREX – Comité de Retour d’EXpérience Le CREX est un outil issu de l’aviation civile (Feedback committee, ou comité de retour d’expérience). Il repose sur une analyse collective, régulière et systémique des événements indésirables, graves ou non, survenus dans un service. Exemple d’usage : analyse d’un oubli de vérification d’identité du patient en salle d’imagerie. |
Les établissements mettent en œuvre des actions concrètes : révision des protocoles, affichage de procédures, audits réguliers, formations ciblées.
La HAS observe une montée en puissance des retours d’expérience (RMM, CREX), même si près de 45 % des déclarations en 2024 ne comportaient pas encore une analyse complète des causes profondes.
Certaines situations illustrent avec force les conséquences d’une absence de signalement ou d’une analyse insuffisante des EIGS.
En juillet 2025, l’ARS Grand Est a suspendu l’activité de chirurgie du GHSA (Rethel – Vouziers), après avoir constaté :
Cette situation est typique des alertes émises dans les bilans de la HAS : sans déclaration, sans analyse et sans correction, les dysfonctionnements persistent.
Après trois semaines de fermeture, l’établissement a pu rouvrir progressivement grâce à :
Ce cas montre que la déclaration d’EIGS n’est pas une simple formalité : elle est essentielle pour garantir la sécurité des patients et maintenir une activité de soins conforme aux exigences réglementaires.
Pour l’année 2024, 5 219 EIGS ont été déclarés à la HAS, soit une hausse de 28 % par rapport à 2023 (4 083 déclarations). Cette tendance confirme la montée en puissance du dispositif depuis 2017. Elle traduit à la fois une meilleure appropriation du système de signalement par les professionnels et un élargissement des structures contributrices, notamment dans les secteurs médico-social, psychiatrique et de l’hospitalisation à domicile.
En comparaison, le nombre d’établissements contributeurs a augmenté de 19 % entre 2023 et 2024.
Toutefois, la HAS souligne que cette dynamique positive ne reflète pas encore une exhaustivité satisfaisante, les déclarations restant très inégales selon les régions et les secteurs d’activité.
Les caractéristiques sociodémographiques des patients victimes d’EIGS restent comparables à celles observées en 2023 :
Les EIGS sont survenus majoritairement lors de prises en charge thérapeutiques (81 %), en secteur hospitalier (80,5 %), et dans un contexte non programmé dans 55 % des cas.
Les conséquences demeurent graves :
Le classement des causes immédiates reste dominé par les erreurs liées aux soins (37 %) et les erreurs médicamenteuses (13,3 %). En revanche, le rapport 2024 révèle deux évolutions notables :
Par ailleurs, les erreurs de communication entre professionnels de santé apparaissent plus fréquemment dans les analyses, en particulier dans les cas de coordination insuffisante entre ville et hôpital.
Comme en 2023, le rapport 2024 met en évidence des lacunes persistantes :
Cela limite la capacité de retour d’expérience national et souligne l’importance d’un accompagnement renforcé des professionnels dans l’analyse systémique des EIGS.
| Indicateur | Rapport 2023 | Rapport 2024 | Évolution |
| Déclarations reçues | 4 083 | 5 219 | +28 % |
| Part des décès | 49 % | 48 % | Stable |
| Part des diagnostics erronés | 6,5 % | 8,1 % | +1,6 pt |
| Secteur psychiatrique | 15,7 % des EIGS | 18,4 % des EIGS | +2,7 pt |
| Qualité des analyses (jugées exploitables) | 56 % | 55 % | -1 pt |
Le bilan 2024 marque ainsi une progression quantitative (davantage de déclarations, plus de secteurs impliqués), mais les enjeux qualitatifs restent inchangés : il faut continuer à accompagner les professionnels dans l’analyse des causes et la mise en œuvre de mesures correctrices.
Pour renforcer la prévention des EIGS, la HAS formule plusieurs recommandations opérationnelles :
Le rapport 2024 confirme l’installation du dispositif EIGS dans les pratiques, tout en appelant à une vigilance accrue sur la qualité des retours d’expérience. Les efforts doivent désormais porter sur l’analyse approfondie des causes et l’appropriation collective des solutions correctrices, pour faire du signalement un levier effectif d’amélioration des soins.
Sources : Accéder au rapport 2024 sur le site de la HAS
Publié le 12/11/2024Événements indésirables graves associés aux soins (EIGS) : bilan 2023 de la HAS
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