Événements indésirables graves associés aux soins (EIGS) : bilan 2023 de la HAS
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La Haute Autorité de Santé vient de publier son 7e bilan annuel des événements indésirables graves associés aux soins (EIGS), couvrant l’année 2023.
L’essentiel :
• EIGS : Événements indésirables graves associés aux soins
• Collectés par la HAS sur déclaration volontaire qui analyse et propose des mesures correctives
• 7 ans de collecte existante
• Entre 2022 et 2023 : 71 % de déclarations en plus 4 083 EIGS déclarés (2023), vs 2 385 (2022).
• Qualité inégale des déclarations, 44 % des EIGS n’ont pas fait l’objet d’une analyse des causes.
• Environ 58 % des incidents impliquent des personnes de plus de 60 ans
• 77 % des EIGS proviennent du secteur hospitalier (public et privé) mais la HAD est aussi concernée.
• 49 % ont conduit au décès du patient
Ce bilan annuel s’intègre dans la mission de promotion de la qualité des soins et de la sécurité des patients de la HAS. Cette mission vise à améliorer la sécurité des pratiques médicales en identifiant les incidents graves liés aux soins, en les analysant et en diffusant des recommandations aux professionnels de santé.
La HAS collecte et analyse les déclarations d’EIGS transmises par les établissements de santé et médico-sociaux. À partir de ces données, elle élabore des rapports qui mettent en lumière les causes des incidents, leur fréquence, et propose des actions correctives pour prévenir leur récurrence. Ce travail contribue directement à l’amélioration continue de la qualité des soins et à la prévention des risques pour les patients, en lien avec ses objectifs de sécurité des soins.
Cette année marque une augmentation significative des déclarations, illustrant à la fois une meilleure prise de conscience des professionnels de santé et des axes d’amélioration encore nécessaires pour renforcer la sécurité des soins. Voici quelques points clés de ce rapport.
Hausse de 71% des déclarations mais pas toujours exploitables
Le nombre de déclarations reçues à la HAS a augmenté de 71 % par rapport à 2022, avec 4 083 EIGS déclarés en 2023, contre 2 385 en 2022. Cette forte hausse est principalement attribuée à une meilleure compréhension et utilisation du dispositif de déclaration par les professionnels de santé, plutôt qu’à une augmentation réelle des incidents.
Cela traduit une avancée dans la culture de sécurité des soins, bien que des efforts restent nécessaires pour garantir l’exhaustivité et la qualité des déclarations.
La HAS souligne encore la qualité inégale des déclarations reçues. Si les causes immédiates des EIGS sont bien identifiées dans 80 % des cas, 44 % des EIGS n’ont pas fait l’objet d’une analyse des causes profondes correctement menée, limitant ainsi les possibilités de retour d’expérience national complet. De plus, pour un peu moins de 50 % des incidents, les actions correctrices mises en place sont jugées inappropriées ou insuffisantes.
Des incidents touchant principalement des personnes âgées
Le profil des patients concernés par les EIGS en 2023 reste similaire avec celui des années précédentes. Environ 58 % des incidents impliquent des personnes de plus de 60 ans, avec une légère majorité de femmes (51 %).
Le rapport remet en lumière la vulnérabilité accrue des personnes âgées. Cette population est souvent confrontée à des pathologies chroniques et multiples nécessitant des interventions médicales variées et complexes qui augmentent le risque d’incidents.
77 % des EIGS proviennent du secteur hospitalier (public et privé). Cependant, des incidents significatifs sont aussi déclarés en hospitalisation à domicile (HAD) et dans les établissements médico-sociaux, souvent pour des personnes âgées ou handicapées, ce qui indique que ces populations vulnérables nécessitent une attention particulière.
Les conséquences des EIGS sont préoccupantes puisque 49 % ont conduit au décès du patient, tandis que 30 % ont mis en jeu leur pronostic vital.
Les erreurs médicamenteuses en HAD et les procédures interventionnelles en hausse*
Parmi les erreurs les plus fréquemment rapportées en 2023, les erreurs médicamenteuses restent un souci majeur, notamment en hospitalisation au domicile, où elles représentent 43 des 79 déclarations. Ces erreurs sont souvent liées à des dispositifs d’administration mal programmés (pompes à perfusion ou de stylos à insuline).
Un autre fait notable est l’augmentation des déclarations concernant des erreurs liées aux procédures interventionnelles (techniques opératoires ou anesthésie), qui ont dépassé pour la première fois les erreurs médicamenteuses en 2023 (12,5 % contre 10,5 %). Cela souligne la nécessité d’améliorer la sécurité des procédures complexes.
Les autres types d’accident
Le rapport de la HAS identifie d’autres types d’incidents.
Les erreurs liées à l’organisation des soins incluent des problèmes de coordination, de planification ou de communication entre les différents professionnels de santé. Exemple : un patient ayant un suivi médical complexe se voit prescrire au sein du même groupement hospitalier deux traitements incompatibles par des services différents, entraînant des complications graves.
Les actions du patient contre lui-même, cela englobe les comportements du patient qui entraînent des conséquences graves, comme les tentatives de suicide ou des actes auto dommageables. Exemple : un patient hospitalisé en psychiatrie fait une tentative de suicide en raison d’un manque de surveillance.
Les erreurs en lien avec le diagnostic, elles concernent des diagnostics retardés, erronés ou manqués. Exemple : Un patient présentant des douleurs thoraciques n’est pas diagnostiqué correctement aux urgences, ce qui entraîne une prise en charge tardive de son infarctus du myocarde.
Les erreurs en lien avec la prise en charge obstétricale surviennent lors des soins aux femmes enceintes et en post-partum. Exemple : une hémorragie de la délivrance non-détectée rapidement lors d’un accouchement à domicile entraîne des complications graves pour la patiente.
Les erreurs liées aux dispositifs médicaux, cela inclut les incidents provoqués par une mauvaise utilisation, défaillance ou manipulation de dispositifs médicaux. Exemple : un respirateur défectueux ou mal réglé provoque des difficultés respiratoires chez un patient intubé en soins intensifs.
Les erreurs liées à l’information et aux systèmes d’information, elles concernent la gestion des informations médicales ou des systèmes informatiques. Exemple : une mauvaise transmission d’informations par voie électronique entraîne un retard dans la transmission d’analyses critiques à l’équipe médicale.
Un nécessaire renfort de la formation et la coordination
Pour répondre aux défis identifiés, la HAS propose plusieurs axes d’amélioration, dont une meilleure formation des professionnels de santé , en particulier dans la gestion des risques liés aux procédures interventionnelles et aux erreurs de diagnostic.
Il est également recommandé de renforcer la coordination entre les différents acteurs des soins, notamment pour les patients pris en charge en HAD, afin de minimiser les erreurs de communication et de suivi.
Quelles avancées en 7 ans ?
Les six précédents rapports sur les événements indésirables graves associés aux soins (EIGS) ont permis des améliorations notables dans plusieurs domaines, notamment en renforçant la culture de sécurité des soins. L’augmentation continue des déclarations d’incidents témoigne d’une meilleure sensibilisation des professionnels de santé à l’importance de signaler ces événements.
Des progrès ont également été réalisés en matière de formation, avec des initiatives visant à mieux informer les équipes médicales sur la gestion des risques, en particulier en ce qui concerne les erreurs médicamenteuses et l’utilisation des dispositifs médicaux.
En outre, la mise en place des Flashs Sécurité Patient, un outil de diffusion rapide de recommandations pratiques, a contribué à la prévention des risques liés à des situations spécifiques, comme les infections associées aux soins. Les flashs sécurité patients sont téléchargeables : ICI
Le développement et le renforcement des structures régionales d’appui (SRA) ont également été déterminants pour améliorer l’accompagnement des professionnels dans l’analyse des incidents et l’application des actions correctives.
Enfin, la HAS a introduit des indicateurs de suivi plus précis pour mieux identifier les risques récurrents et adapter les réponses en fonction des besoins. Malgré ces avancées, il reste des efforts à faire.
Le bilan 2023 des EIGS confirme une progression dans la culture de sécurité des soins en France, avec un nombre croissant de professionnels engagés dans le signalement des incidents. Toutefois, des efforts doivent encore être déployés pour améliorer la qualité des déclarations et des analyses, afin de réduire les risques pour les patients et d’instaurer des mesures correctrices efficaces.
Qu’est-ce que la HAS ? Quelles sont ses principales missions ?La Haute Autorité de Santé (HAS) est une autorité publique indépendante, créée en 2004. Son rôle est de garantir la qualité, la sécurité et l’efficience des soins dans le système de santé français. Elle émet des recommandations basées sur des preuves scientifiques pour améliorer la prise en charge des patients. Ses principales missions incluent : 1. Évaluation des produits de santé : la HAS évalue les médicaments, dispositifs médicaux et actes de santé pour déterminer leur utilité et leur remboursement. 2. Certification des établissements de santé : elle vérifie que les hôpitaux et cliniques respectent des standards de qualité. 3. Promotion de bonnes pratiques : la HAS élabore des recommandations pour les professionnels de santé afin d’améliorer les soins et la sécurité des patients. 4. Participation à l’amélioration de la qualité des soins : elle propose des indicateurs de qualité, évalue les pratiques professionnelles, et met en place des programmes d’amélioration continue dans les établissements de santé. |
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Source :
Haute Autorité de Santé. Évènements indésirables graves associés aux soins (EIGS) : rapport annuel 2023. Pour télécharger le rapport : https://www.has-sante.fr/jcms/p_3539434/fr/evenements-indesirables-graves-associes-aux-soins-eigs-rapport-annuel-2023