<

Les agressions contre les médecins : un climat de travail sous tension

 

La violence contre les médecins un climat de travail de plus en plus dégradé

Estimation du temps de lecture : 9 min

 

Les violences envers les professionnels de santé restent une préoccupation majeure. Le rapport 2025 de l’Observatoire national des violences en santé (ONVS) confirme une hausse des signalements dans tous les secteurs, traduisant des tensions persistantes dans la relation de soins. Face à ces constats, l’enjeu est désormais de renforcer la prévention, la formation et le soutien aux soignants, afin de préserver un cadre d’exercice serein et sécurisé.

 

Violences en santé : le rapport 2025 de l’ONVS met en lumière une tendance persistante

Le rapport de l’ONVS souligne une hausse continue des agressions verbales, physiques et psychologiques envers les professionnels de santé, tous secteurs confondus. Malgré le renforcement des dispositifs de prévention et les messages de soutien, de nombreux soignants expriment encore un sentiment d’isolement face à certaines situations d’agressivité, souvent accentuées par les contraintes du quotidien et la complexité des démarches de signalement.

 

Des chiffres en hausse et des réalités contrastées

Entre 2023 et 2024, plus de 20 000 incidents ont été signalés en établissements de santé, soit une progression de 6,7 %. Dans le secteur libéral, 665 signalements ont été enregistrés (+6,5 %) par 556 professionnels (+83 déclarants). La psychiatrie et le médico-social demeurent les secteurs les plus exposés, concentrant plus de 90 % des atteintes aux personnes.

Si les atteintes aux personnes représentent la majorité des signalements (88 %), celles portant sur les biens restent probablement sous-déclarées. L’ONVS observe que ces incidents matériels sont parfois considérés comme secondaires dans un environnement de soins déjà complexe.

« Les professionnels pourraient être davantage enclins à signaler les atteintes personnelles, généralement perçues comme plus traumatisantes […], que les incidents matériels. »
Rapport ONVS 2025

 

Le secteur libéral encore peu représenté

Malgré l’ouverture du dispositif ONVS aux professions libérales, les signalements issus des cabinets de ville demeurent limités. Plusieurs facteurs sont évoqués : charge administrative, méconnaissance du dispositif, ou encore absence de cadre institutionnel clairement défini. Ce constat, déjà relevé par l’ONVS dans ses précédents rapports, souligne la nécessité d’un accompagnement renforcé pour favoriser la déclaration et la prévention dans le secteur libéral.

 

Une violence polymorphe et en évolution

Les insultes et menaces verbales restent majoritaires, mais les signalements de violences physiques (niveau 3) et de violences avec arme (niveau 4) progressent, notamment dans les établissements psychiatriques, médico-sociaux et ceux accueillant des personnes en situation de handicap.

Les soignants font également face à de nouveaux contextes de tension : conflits familiaux importés dans les établissements, refus de soins pour motifs personnels ou religieux, situations d’automutilation, consommation de substances, ou demandes inadaptées aux structures de soins.

Dans le secteur libéral, les incivilités verbales représentent encore près de 60 % des cas, mais les atteintes physiques, bien que plus rares, tendent à augmenter, en particulier chez les praticiens isolés.

 

La santé mentale des patients : un facteur contributif

Le rapport met en évidence une corrélation entre les troubles psychiques ou neuropsychiques des patients et les situations de violence. En 2024, 36 % des signalements en établissements de santé concernent des patients présentant ce type de pathologie, proportion qui s’élève à 56 % pour les violences physiques.

L’ONVS préconise le renforcement des formations en gestion des comportements à risque, la mise en place de stratégies de désescalade et une réflexion sur l’aménagement des espaces de soins afin de prévenir les situations de tension.

 

Comment cette violence va-t-elle évoluer ?

Un indicateur mérite une attention particulière : la baisse de 16 % du nombre de soignants placés en arrêt de travail après un incident. Cette évolution pourrait traduire une perception modifiée de la violence ou une prise en charge encore insuffisante des victimes.

« L’hypothèse la plus plausible est celle d’une prise en charge insuffisante des victimes, d’une banalisation progressive des incidents ou de pressions institutionnelles conduisant à minimiser le recours aux arrêts de travail. »
Rapport ONVS 2025

Dans la majorité des cas, la gestion immédiate des incidents repose sur la solidarité entre collègues ou sur l’intervention d’un personnel de sécurité, souvent non spécifiquement formé à ces situations. Les interventions des forces de l’ordre restent ponctuelles, réservées aux cas les plus graves.

 

Une augmentation des signalements

En 2022, 1 244 incidents violents envers des médecins ont été déclarés, contre 1 009 en 2021 (+23 %). Cette hausse s’inscrit dans une tendance de long terme. Depuis le début du recensement en 2003, la moyenne annuelle des signalements était de 841, traduisant une vigilance accrue et une meilleure prise en compte de ces événements.

Les agressions verbales et les menaces constituent la majorité des faits (73 % en 2022), tandis que les agressions physiques, moins fréquentes, progressent légèrement. Ces violences surviennent principalement dans les cabinets médicaux (54 %), mais aussi dans les établissements de soins (23 %).

 

Répartition géographique et profil des victimes

En 2022, la région Hauts-de-France a enregistré le plus grand nombre de signalements.
Les médecins généralistes représentent 57 % des victimes, suivis des psychiatres, cardiologues et gynécologues-obstétriciens. La majorité des incidents surviennent en médecine de ville, reflet de la proximité quotidienne entre praticiens et patients.

L’agresseur est le plus souvent le patient lui-même (58 %), parfois un accompagnant (18 %). Les motifs évoqués relèvent fréquemment de la frustration face à une décision médicale, à un refus de prescription ou à des délais perçus comme excessifs. Ces situations rappellent l’importance d’un dialogue renforcé et d’une communication apaisée dans la relation de soins.

 

Les femmes médecins sont plus exposées aux risques

Les femmes médecins continuent d’être plus souvent victimes d’incidents que leurs confrères, un constat récurrent dans les rapports successifs du CNOM et de l’ONVS.

Cette constatation peut s’expliquer par plusieurs facteurs sociaux, psychologiques et démographiques.

 

Mobilisation des syndicats et des institutions

Face à la persistance de ces violences, plusieurs syndicats médicaux et organisations professionnelles ont publié, le 27 août 2024, une position commune appelant à une réponse concertée. Le communiqué insiste sur la nécessité d’améliorer la prévention, la protection et la reconnaissance des situations de violence.

Le Conseil national de l’Ordre des médecins, dans son communiqué du 22 août 2024, rappelle son rôle d’écoute et de soutien moral à travers les conseils départementaux, essentiels pour accompagner les praticiens concernés.
Certains acteurs privés, comme les mutuelles, s’impliquent également dans cette démarche. Par exemple, M-soigner, organisme de formation soutenu par Groupe Pasteur Mutualité, propose des programmes dédiés à la gestion de l’agressivité et à la communication en situation de tension.

 

Une augmentation significative des incidents

En 2022, le nombre total de déclarations d’incidents violents envers les médecins a atteint 1 244, contre 1 009 en 2021, soit une augmentation de 23 %. Cette progression s’inscrit dans une tendance à la hausse observée ces dernières années, reflétant une détérioration continue du climat de travail pour les professionnels de santé. La moyenne annuelle des déclarations d’incidents depuis le début du recensement en 2003 était de 841, ce qui montre une nette aggravation de la situation actuelle.
Les données montrent que les agressions verbales et les menaces représentent la majorité des incidents signalés, avec une proportion de 73 % des cas en 2022, contre 70 % en 2021. Les agressions physiques, bien que moins fréquentes, ont également augmenté, passant de 86 incidents en 2021 à 92 en 2022. Ces chiffres témoignent d’un environnement de travail de plus en plus hostile pour les médecins, quel que soit leur lieu d’exercice. Les violences se produisent principalement dans les cabinets médicaux (54 %), mais aussi dans les établissements de soins publics et privés (23 %).

Répartition des déclarations d’incidents par région

La violence contre les médecins 1

C’est la région Nord (Hauts-de-France qui concentre le plus de faits de violences à l’encontre des médecins.

Profil des incidents et des victimes

Les médecins généralistes sont les plus touchés par ces violences, représentant environ 57 % des victimes en 2022. Parmi les autres spécialités impactées, les psychiatres, les cardiologues et les gynécologues-obstétriciens figurent parmi les plus exposés. Le rapport révèle également que les incidents se produisent principalement dans les cabinets médicaux (73 %), suivis des établissements de soins (23 %), soulignant que la violence touche autant les médecins en milieu urbain qu’en milieu rural.
L’agresseur est majoritairement le patient (58 % des cas en 2022), suivi des personnes l’accompagnant (18 %). Ces agressions, souvent motivées par des frustrations liées à la prise en charge, au refus de prescriptions, ou encore aux temps d’attente jugés excessifs, mettent en lumière un rapport de force nouveau dans la relation soignants -soignés. L’ « autorité naturelle présumée » du médecin n’est plus ressentie comme avant et les exigences du malade sont plus « désinhibées ».

Les femmes davantage touchées que les hommes

Violence contre les médecins 2

Les femmes médecins continuent d’être davantage victimes d’agressions que leurs collègues masculins.

 

Un appel urgent à l’action des syndicats et du CNOM

Face à cette montée des violences depuis ces dernières années, une dizaine de syndicats représentatifs des médecins et des internes ont publié une position intersyndicale le 27 août 2024. Ce communiqué souligne la gravité de la situation et appelle à une réaction forte des pouvoirs publics pour protéger les médecins et plus largement les professionnels de santé.
Les signataires incluent le Syndicat des médecins libéraux (SML), la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), la Fédération des médecins de France (FMF), Avenir Spé-Le Bloc, la Fédération française des médecins généralistes (MG France), l’Union française pour une médecine libre-syndicat (UFML-S), le collectif Médecins pour demain, le syndicat Jeunes Médecins, le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Reagjir), et l’Intersyndicale nationale des internes (Isni).
Ces syndicats dénoncent une situation « alarmante et inacceptable » et appellent à des mesures d’urgence telles que le renforcement de la sécurité dans les établissements de santé, l’application de sanctions exemplaires contre les agresseurs, et la mise en place de campagnes de sensibilisation auprès du public. Ils soulignent que les agressions, par leur caractère répétitif et violent, menacent gravement l’accès aux soins, en particulier dans les territoires déjà en difficulté.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins dans son communiqué publié le 22 août 2024 met en avant son rôle de soutien moral et d’entraide envers les médecins victimes, à travers ses conseils départementaux. Cette proximité est présentée comme essentielle pour aider les médecins qui subissent ces violences, parfois avec des conséquences psychologiques lourdes.
Certains acteurs privés, comme les mutuelles, s’inscrivent dans ce mouvement d’entraide. M-soigner organisme de formation soutenu par Groupe Pasteur Mutualité, propose aux professionnels de santé de se former à la gestion de l’agressivité des patients et de leur entourage.

En conclusion, les violences contre les médecins en France continuent de croître, mettant en péril la sécurité des professionnels de santé et, par extension, la qualité des soins prodigués aux patients. Cette situation exige des réponses immédiates et des investissements accrus dans le secteur de la santé pour garantir un environnement de travail sécurisé et respectueux pour les soignants. Les appels des syndicats et du CNOM rappellent l’urgence de protéger ceux qui, au quotidien, assurent la santé des citoyens, et plaident pour une mobilisation collective des pouvoirs publics et de la société.

 

Déclarer pour mieux prévenir

Signaler un incident permet non seulement de reconnaître les difficultés rencontrées, mais aussi d’enrichir les dispositifs de prévention et de soutien. L’ONVS encourage le développement d’une culture du signalement, y compris pour les incidents verbaux, afin d’améliorer la connaissance statistique et d’adapter les politiques publiques.

Le ministère de la Santé a par ailleurs renforcé le cadre juridique avec la loi du 9 juillet 2025, qui :

 

En conclusion

La lutte contre les violences envers les médecins repose sur une approche globale : prévention, formation, accompagnement et culture du signalement. Ces leviers, mieux articulés, permettront de renforcer la sécurité et la sérénité au sein des lieux de soins.

 

 

Sources :

 

 

Mis à jour le 11/10/2025.

Articles recommandés

> Services

VSS dans le milieu médical : chiffres, témoignages et actions

    Estimation du temps de lecture : 11 min   Les violences sexistes et sexuelles (VSS) sous relation d’autorité […]

Lire la suite

> Médical > Paramédical > Professions réglementées

L’agressivité des patients envers les soignants

Estimation du temps de lecture : 3min   Face à la Violence en Milieu de Santé : Mesures et Préventions […]

Lire la suite

> Professions réglementées

Soigner sa e-réputation – professionnels de santé

Estimation du temps de lecture : 9min   L’e-réputation, c’est l’équivalent numérique de la rumeur, de ce qui se transmet […]

Lire la suite

Voir tout le blog