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Pacte contre les déserts médicaux : orientations gouvernementales pour améliorer l’accès aux soins
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Le 25 avril 2025, le Premier ministre a présenté le Pacte de lutte contre les déserts médicaux, un plan d’action visant à renforcer l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire. Conçu à l’issue d’une large concertation avec les professionnels de santé, les élus et les représentants de patients, ce pacte se décline autour de quatre priorités principales.
Contexte : une inégalité d’accès aux soins persistante
Selon les données présentées dans le dossier de presse, 87 % du territoire français était classé en désert médical en 2024. Cette situation concerne notamment les zones rurales et périurbaines, où les difficultés d’accès aux soins de premier recours demeurent aiguës. En 2024, six millions de Français n’avaient pas de médecin traitant, soit un nombre significatif de patients exposés à des ruptures de suivi médical.
Diversifier l’origine géographique et sociale des étudiants en santé
La première orientation vise à diversifier l’origine géographique et sociale des étudiants accédant aux études de santé. Le rapport souligne que 24 départements ne disposent actuellement d’aucune première année d’études de santé, alors même que 50 % des médecins généralistes formés exercent à moins de 85 km de leur lieu de naissance.
Parmi les mesures annoncées figurent l’ouverture d’une première année d’accès aux études de santé dans chaque département dès la rentrée 2026, la mise en place d’options santé dans les lycées, ainsi que la généralisation des stages hors CHU et dans les zones sous-denses. L’objectif affiché est d’augmenter de 20 % le nombre d’étudiants en santé d’ici 2030, tout en accompagnant cet effort par un encadrement universitaire renforcé.
Déployer un principe de solidarité de l’ensemble de la communauté médicale
La deuxième priorité introduit le principe d’une solidarité territoriale. Il est prévu qu’à compter de 2025, chaque médecin consacre jusqu’à deux jours par mois à des consultations dans des zones identifiées comme prioritaires par les Agences Régionales de Santé et les préfectures. Cette mission s’apparente à une permanence de soins organisée, avec des plannings définis à l’avance.
Le plan comprend également la création d’un statut de « praticien territorial de médecine ambulatoire », destiné aux jeunes médecins en début de carrière souhaitant exercer dans ces zones pendant deux ans minimum, avec une garantie de revenu et une exonération de jours de solidarité territoriale. Le déploiement de consultations avancées de spécialistes, notamment en provenance des établissements de santé, est également annoncé.
Moderniser les organisations et unir les compétences pour soigner plus de patients
La troisième priorité consiste à moderniser les organisations et à optimiser les compétences disponibles. Le plan prévoit notamment la suppression des certificats médicaux sans fondement juridique ou médical, la levée des freins au développement des assistants médicaux, avec un objectif de 15 000 assistants d’ici 2028, et l’élargissement de leurs missions.
Par ailleurs, le texte détaille l’élargissement des compétences des autres professionnels de santé : primo-prescriptions par les infirmiers en pratique avancée, développement de l’accès direct aux orthophonistes et masseurs-kinésithérapeutes, actes élargis pour les audioprothésistes et pédicures-podologues, ou encore adaptation des primo-prescriptions par les opticiens-lunetiers. L’ensemble de ces mesures vise un potentiel estimé à 50 millions de consultations supplémentaires par an.
Créer des conditions d’accueil attractives pour les professionnels de santé
Le quatrième axe du pacte porte sur l’attractivité des territoires pour l’installation durable des professionnels de santé. Il est notamment prévu la mise en place d’un guichet numérique unique d’aide à l’installation au niveau régional, la création de logements étudiants adaptés, ainsi que le renforcement des internats ruraux.
Le plan prévoit également un volet de sécurisation des conditions d’exercice avec le déploiement de dispositifs d’alerte rapide, tels que les boutons d’urgence déjà expérimentés en Guyane, et la généralisation de la visioplainte pour les professionnels de santé victimes d’agressions.
Mise en œuvre et suivi du pacte
Une partie des mesures nécessitera l’adoption de textes législatifs en 2025 et 2026, tandis que d’autres seront mises en œuvre par voie réglementaire. La mise en place de la quatrième année d’internat de médecine générale dès novembre 2026 et l’arrivée prévue de 3 700 docteurs juniors illustrent la programmation progressive des mesures.
Le suivi sera assuré par le ministère de la Santé et de l’Accès aux soins, en lien avec les ARS et les préfets. Dix indicateurs sont retenus pour mesurer les effets du pacte, tels que la réduction du nombre de patients en affection longue durée sans médecin traitant, l’augmentation du nombre d’assistants médicaux ou encore la diminution du délai moyen d’accès aux spécialistes. Ces indicateurs seront publiés tous les trois mois, en open data, à l’échelle départementale.
Un plan articulé autour de la solidarité et de la coordination
Le pacte se veut la traduction d’une mobilisation collective, selon les termes du gouvernement, en réponse aux fractures territoriales de l’accès aux soins. Il articule des mesures de formation, d’organisation et d’accompagnement des professionnels de santé, en s’appuyant sur les acteurs locaux pour en assurer la mise en œuvre et l’adaptation aux besoins des populations.
Solidarité territoriale : un principe désormais inscrit dans la loi
Parmi les mesures phares présentées le 25 avril 2025 par le Premier ministre François Bayrou dans le cadre du Pacte de lutte contre les déserts médicaux, figure l’instauration d’une solidarité territoriale obligatoire pour les médecins. Ce principe a été intégré par amendement gouvernemental à la proposition de loi portée par le sénateur Philippe Mouiller, examinée en séance publique au Sénat le 25 juin 2025.
L’article additionnel adopté précise que, « afin de garantir l’accès aux soins dans des zones considérées comme prioritaires, les médecins libéraux et les médecins salariés d’une structure de soins participent à une mission de service public de solidarité territoriale en dispensant des soins en dehors de leur lieu d’exercice habituel ». Concrètement, il s’agira pour les médecins de consacrer plusieurs journées par an à des consultations dans des territoires identifiés comme prioritaires, sur un modèle inspiré de la permanence des soins.
Le dispositif sera déployé en deux temps. Dans un premier temps, il concernera le premier recours dans les « zones prioritaires » ou « zones rouges », en cours de cartographie par les Agences Régionales de Santé (ARS) et les préfectures. Dans un second temps, cette mission de solidarité territoriale sera étendue à l’ensemble des zones sous-denses et des spécialités médicales, a précisé Yannick Neuder, ministre chargé de la Santé.
Selon le gouvernement, cette nouvelle mission a vocation à répondre rapidement aux besoins des territoires les plus fragiles, en complément des mesures de formation et d’installation des professionnels prévues dans le Pacte. Elle s’inscrit dans une logique de mutualisation et d’organisation collective de l’offre de soins, sans remettre en cause le libre choix du lieu d’exercice des médecins.
Références