Le numérique au service de la prévention en santé
Estimation du temps de lecture : 5min Mieux vaut prévenir que guérir On le sait, la prévention reste sous-investie dans […]
Lire la suite
Contact
DU LUNDI AU VENDREDI - 8h30 à 18h
Contact
DU LUNDI AU VENDREDI - 8h30 à 18h

Estimation de lecture : 6 min
L’intelligence artificielle s’impose désormais comme l’un des moteurs majeurs de transformation du système de santé. Son développement rapide ouvre des perspectives qui touchent à l’ensemble de la chaîne de valeur : amélioration du diagnostic, optimisation des parcours de soins, personnalisation de la prévention, soutien à la décision clinique, pilotage des organisations, anticipation des crises sanitaires ou encore gestion des ressources hospitalières. Les avancées en matière d’algorithmes, la montée en puissance de l’IA générative et l’augmentation continue des volumes de données de santé créent aujourd’hui un environnement inédit, où l’innovation technologique rencontre des attentes fortes des professionnels comme des patients.
Mais cette dynamique s’accompagne de défis majeurs. Les enjeux de qualité et de structuration des données, la nécessaire transparence des usages, la maîtrise des risques, l’évaluation médico-économique des solutions ou encore l’accompagnement des changements organisationnels constituent autant de conditions indispensables pour assurer une intégration sûre, éthique et efficace de l’IA en santé. Au-delà de la technologie elle-même, c’est l’ensemble du système qui doit évoluer : gouvernance, cadre réglementaire, compétences professionnelles, environnement numérique, souveraineté, confiance citoyenne.
C’est dans ce contexte que le ministère de la Santé et de la Prévention a publié la stratégie « Intelligence artificielle et données de santé 2025-2028 », document de référence qui pose une feuille de route nationale pour structurer les usages, organiser les données et accompagner la transformation du système de santé français. Le présent article en propose une analyse approfondie.
Le rapport gouvernemental souligne que le système de santé français génère une quantité considérable de données issues des soins, de la recherche, des registres ou des cohortes. Ces données constituent un patrimoine immatériel majeur, indispensable pour mieux comprendre l’état de santé de la population, soutenir l’innovation et orienter les politiques publiques. Leur utilité repose cependant sur leur structuration, leur protection et leur mise à disposition dans un cadre de confiance.
Cette stratégie nationale s’inscrit dans un contexte européen marqué par l’entrée en vigueur en 2025 de l’Espace européen des données de santé, qui harmonise les règles de réutilisation des données à l’échelle des 27 États membres. À partir de 2029, les pays devront garantir la mise à disposition de données de santé d’intérêt dans des environnements sécurisés, sous l’autorité d’organismes responsables de l’accès aux données.
Dans ce cadre, la France fait le choix d’articuler étroitement la politique d’IA en santé et la politique de données de santé, considérant que l’une ne peut avancer sans l’autre : la performance des modèles d’IA dépend de la disponibilité, de la qualité et de la gouvernance des données utilisées.
La première ambition de la stratégie consiste à renforcer la structuration d’un patrimoine national des données de santé, en continuité avec les efforts engagés autour du Système national des données de santé (SNDS), des entrepôts hospitaliers et des grands registres.
Une évolution majeure concerne la gouvernance. Le Comité stratégique des données de santé doit être remplacé par un pilotage unifié adossé au Conseil du numérique en santé, associant établissements, professionnels de santé, chercheurs, industriels, représentants de patients et usagers. L’objectif est de traiter conjointement les enjeux d’usage primaire et secondaire des données.
La stratégie prévoit également de recenser les bases existantes, de créer un répertoire national des ensembles de données, d’harmoniser les principes d’accès, de faciliter l’exploitation du SNDS et de simplifier les processus de mise à disposition. La mise en place d’un système national de redevances est évoquée afin de structurer un modèle économique équilibré pour la réutilisation des données.
Sur le plan européen, la France participe activement au programme TEHDAS2, destiné à produire des lignes directrices relatives à la découverte des données, aux environnements sécurisés, à la dépersonnalisation et aux droits des citoyens, notamment les modalités d’information ou les possibilités d’opt-out. Les livrables attendus entre 2025 et 2027 doivent contribuer directement à la mise en œuvre opérationnelle de l’Espace européen des données de santé.
Le rapport rappelle que la France dispose déjà d’un écosystème dynamique soutenu par les investissements du plan France 2030 et de la stratégie d’accélération « Santé numérique », qui ont financé plusieurs centaines de projets intégrant de l’IA.
La nouvelle stratégie entend toutefois passer d’une logique de soutien à l’offre technologique à une logique centrée sur les usages. Elle prévoit d’accompagner les établissements, les professionnels de santé et les acteurs médico-sociaux pour identifier les cas d’usage réellement utiles, lever les obstacles à leur adoption et prévenir les risques associés. Un comité d’experts dédié aux usages de l’IA en santé, animé par les fédérations hospitalières en lien avec les autorités sanitaires, doit piloter cette démarche. Il aura pour mission de repérer les usages à fort impact, d’orienter les politiques publiques et de capitaliser sur les retours d’expérience.
La stratégie prévoit également une cartographie nationale des usages de l’IA en santé, qui doit être publiée en 2026. Elle s’appuiera sur les expérimentations en cours — services d’urgence, logistique, ressources humaines — afin d’évaluer les solutions les plus pertinentes et de préparer leur déploiement à partir de 2027.
À la suite de cette analyse institutionnelle, il peut être utile de mettre en perspective ces orientations avec les conditions concrètes d’intégration de l’intelligence artificielle dans les pratiques professionnelles. Un article publié sur notre blog, intitulé « IA et santé : réussir l’intégration des outils d’intelligence artificielle », revient précisément sur ces enjeux opérationnels et sur les facteurs permettant une adoption efficace par les acteurs de terrain.
La trajectoire opérationnelle établie par le ministère s’articule autour de plusieurs jalons fixés entre 2026 et 2027.
Le comité d’experts de l’usage de l’IA en santé doit être installé dès le début de l’année 2026, avant une première cartographie nationale des usages au second semestre de la même année, appelée à devenir annuelle.
La Haute Autorité de santé est attendue au premier trimestre 2026 pour formuler des recommandations sur l’évaluation des dispositifs médicaux numériques, puis au second semestre pour identifier les besoins prioritaires en bases de validation.
Fin 2026, un outil d’aide à la classification des systèmes d’IA doit être mis à disposition sur le portail G_Nius.
Mi-2027, l’extension du guichet diagnostic dédié à la conformité des dispositifs intégrant de l’IA complétera ce dispositif.
La même année, l’actualisation de l’arrêté du 10 novembre 2022 sur la formation socle au numérique en santé doit finaliser cette première phase de déploiement.
Le rapport identifie plusieurs cas d’usage considérés comme prioritaires pour les années à venir. En matière de prévention, l’expérimentation de parcours de dépistage assistés par l’IA — notamment en dermatologie — figure parmi les projets phares, dans l’objectif d’améliorer la détection précoce des pathologies.
Mon espace santé constitue également un terrain majeur de développement. La plateforme doit intégrer progressivement un moteur de recherche intelligent puis des parcours de prévention personnalisés basés sur l’exploitation des données de santé. L’ambition est d’aboutir à un véritable accompagnement numérique des usagers.
Le projet Ju.N.I.Or, « jumeau numérique » destiné à simuler l’organisation du système de santé, doit par ailleurs permettre d’anticiper les effets du vieillissement de la population, des crises sanitaires ou du changement climatique sur les organisations et les ressources.
L’intelligence artificielle se déploie aujourd’hui dans le système de santé au travers de plusieurs catégories d’outils qui, selon leur niveau de maturité, répondent à des usages complémentaires. Les dispositifs d’aide au diagnostic figurent parmi les plus répandus. Ils reposent sur des algorithmes capables d’analyser des images médicales, d’interpréter des signaux biologiques ou d’identifier des anomalies dans les données cliniques. L’imagerie médicale — radiologie, dermatologie ou ophtalmologie — constitue l’un des champs où ces outils sont les plus avancés, notamment pour la détection précoce des lésions ou la caractérisation des tumeurs.
Les outils d’aide à la décision clinique occupent également une place croissante. Ils exploitent les données du patient et les référentiels médicaux pour proposer des recommandations contextualisées ou signaler des risques particuliers. Ces dispositifs ne remplacent pas l’expertise humaine, mais facilitent la prise de décision dans un contexte où la quantité d’informations disponibles augmente.
Les solutions fondées sur l’IA générative se développent rapidement. Elles permettent l’automatisation de tâches de rédaction, la synthèse des données d’un dossier médical ou la production de comptes rendus standardisés. Dans les établissements, ces outils visent à alléger la charge administrative et à améliorer la qualité de la documentation.
Enfin, les systèmes d’optimisation organisationnelle jouent un rôle croissant dans le pilotage des établissements. Ils permettent notamment de prédire les flux patients aux urgences, de planifier les blocs opératoires ou d’ajuster les ressources humaines en fonction de l’activité attendue.
Ces catégories d’outils trouvent des applications variées sur le terrain. Dans la détection des maladies chroniques, des modèles prédictifs facilitent l’identification des risques de complications et permettent d’intervenir plus précocement. En oncologie, l’analyse automatisée d’images améliore la détection des lésions, soutient la planification thérapeutique et contribue à la précision des séances de radiothérapie.
Dans les parcours de soins, certaines solutions d’IA permettent d’anticiper les risques de décompensation chez les patients fragiles, notamment en cardiologie ou en insuffisance rénale. Les organisations hospitalières s’appuient également sur l’IA pour optimiser les plannings, ajuster la gestion des stocks critiques ou fluidifier les processus logistiques.
Dans le champ médico-social, des projets visent à personnaliser l’accompagnement des résidents en EHPAD, à détecter plus tôt les situations de fragilité et à prévenir les risques de chute ou de décompensation cognitive.
Plusieurs hôpitaux français de pointe intègrent aujourd’hui des projets d’intelligence artificielle directement liés à leurs domaines d’excellence.
À l’Institut Curie, établissement reconnu pour son expertise en oncologie — notamment dans les cancers féminins, pédiatriques et les sarcomes — des projets s’appuient sur l’analyse automatisée des images et la radiomique pour affiner la caractérisation des tumeurs et orienter les indications thérapeutiques. Ces approches contribuent à améliorer la précision diagnostique et à personnaliser davantage les traitements.
À l’Hôpital Européen Georges-Pompidou, centre de référence en cardiologie et en chirurgie cardiaque, l’IA est utilisée pour analyser des examens d’imagerie avancée, évaluer les risques opératoires et optimiser le suivi postopératoire. Des outils prédictifs sont également mobilisés pour anticiper l’affluence dans les services d’urgence et ajuster les ressources en temps réel.
Au CHU Pitié-Salpêtrière, établissement de premier plan en neurologie, l’IA contribue à la détection plus rapide des accidents vasculaires cérébraux, à l’interprétation des imageries cérébrales ou à l’analyse fine des pathologies neurodégénératives. En chirurgie oncologique, des outils d’analyse automatisée des images opératoires facilitent la planification des gestes complexes et renforcent la précision des actes.
L’Institut Gustave Roussy (Villejuif) a lancé un partenariat avec Lifen sur la cohorte LUCC de patients atteints de cancer du poumon. L’étude conduite sur 1 057 patients a montré que la saisie automatisée par IA présentait une concordance de 91,9 % avec la saisie manuelle.
Autre exemple : le projet DOSELIA, coordonné par Gustave Roussy, vise à améliorer la radiothérapie pédiatrique grâce à l’IA et réduire les effets secondaires à long terme.
Ces initiatives montrent que l’IA s’intègre progressivement au cœur des pratiques cliniques les plus spécialisées. Elles témoignent d’un mouvement de fond : l’utilisation de l’intelligence artificielle pour soutenir l’expertise humaine dans les situations où la précision, la rapidité et la capacité d’analyse jouent un rôle déterminant.
L’encadrement des solutions d’IA constitue un axe essentiel de la stratégie. La Haute Autorité de santé développe depuis 2022 un cadre de confiance destiné à guider les professionnels dans le choix des technologies, à accompagner les usages en contexte réel et à structurer les méthodes d’évaluation.
La stratégie prévoit de financer des expérimentations permettant de mesurer l’impact médico-économique des solutions, et d’ouvrir la voie à de nouveaux modèles de financement conditionnés à l’atteinte d’objectifs ou à la réalisation d’économies pour l’Assurance Maladie. Ces modèles doivent être déployés progressivement entre 2026 et 2028.
Cette évolution prend place dans un environnement réglementaire européen dense, marqué par les textes relatifs au règlement sur l’IA, aux données, à la gouvernance des données, ainsi qu’aux dispositifs médicaux et à la cybersécurité.
La stratégie souligne que l’IA influence déjà les pratiques quotidiennes. Elle insiste sur la nécessité de former les professionnels de santé, dès la formation initiale, aux usages et aux risques associés à l’IA. Cette dimension doit être intégrée au référentiel de compétences numériques en santé et renforcée dans les formations continues.
La stratégie prévoit aussi d’accompagner les transformations organisationnelles, en anticipant les impacts de l’IA sur les métiers, les organisations hospitalières et les interactions entre patients et professionnels.
La dimension environnementale est prise en compte à travers l’évaluation de la consommation énergétique, du cycle de vie des équipements numériques et des exigences de sobriété.
La réussite de l’IA en santé dépend de la confiance des citoyens. Le rapport met l’accent sur la transparence relative à l’utilisation des données et sur les garanties apportées dans le cadre de l’usage secondaire des données.
L’essor des outils d’IA grand public — information, auto-diagnostique, accompagnement santé — impose un renforcement des actions d’encadrement, de sensibilisation et d’éducation. Une initiative portée par France Assos Santé vise à structurer de nouvelles lignes directrices pour accompagner ces usages et prévenir les risques.
La stratégie gouvernementale présente l’IA comme une « alliée du soin », capable de renforcer la qualité, la sécurité et la pertinence des pratiques, à condition de s’appuyer sur des données fiables, des professionnels formés, des usages encadrés et une gouvernance transparente.
Les enjeux techniques, économiques, organisationnels, environnementaux et sociétaux identifiés montrent que l’IA peut améliorer durablement l’efficience et la qualité du système de santé, mais seulement si elle s’inscrit dans une démarche coordonnée et maîtrisée. La période 2025-2028 doit permettre de consolider ce cadre, structurer les usages et préparer une adoption progressive et sécurisée de l’IA au sein du système de santé français.
Source :
Article fondé sur la stratégie « Stratégie intelligence artificielle et données de santé 2025-2028 », publiée par le ministère de la Santé et de la Prévention et accessible à l’adresse : https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/strategie_donnees_de_sante_ia-2.pdf
Publié le 01/12/2025
Le numérique au service de la prévention en santé
Estimation du temps de lecture : 5min Mieux vaut prévenir que guérir On le sait, la prévention reste sous-investie dans […]
Lire la suite
IA et Santé : l’avenir du Service Public de Santé
Estimation du temps de lecture : 5 minutes Le 21 mai 2024, le Sénat français a publié un rapport […]
Lire la suite
IA et santé : réussir l’intégration des outils d’intelligence artificielle
Estimation du temps de lecture : 7min Un consensus se dessine pour considérer la place des nouveaux outils basés […]
Lire la suite