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Femmes en médecine : une présence croissante, une visibilité encore inégale

Femmes en médecine : une présence croissante, une visibilité encore inégale

Estimation du temps de lecture : 3 min

La féminisation du corps médical est aujourd’hui une réalité incontournable. Selon le Conseil national de l’Ordre des médecins, les femmes représentent près de 50 % des effectifs médicaux et jusqu’à 60 % dans certaines filières comme la pédiatrie ou la gynécologie médicale. Pourtant, si leur présence s’affirme dès les études de médecine et tout au long de leur vie professionnelle dans les établissements de santé, leur visibilité demeure limitée dès qu’il s’agit de recherche, de publications, de conférences ou de responsabilités professorales.

Dans un précédent article, nous avions montré que la proportion de femmes occupant des postes hospitalo-universitaires restait largement inférieure à celle des hommes, malgré des cohortes étudiantes largement féminisées. Le constat est similaire dans les espaces de diffusion scientifique, où les panels de conférences et les tribunes académiques peinent à refléter cette réalité.

 

Une problématique illustrée par la chirurgie

L’Académie nationale de chirurgie a récemment pris position sur ce sujet, à l’occasion des débats sur la représentation des femmes lors de ses congrès. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : alors que les femmes représentent environ 30 % des chirurgiens en France, et près de 40 % chez les praticiens de moins de 40 ans, leur part parmi les orateurs et modérateurs des manifestations scientifiques ne dépasse pas 15 à 20 %.

Face aux propositions de mise en place de quotas pour corriger ce déséquilibre, l’Académie s’y est opposée, privilégiant l’adoption d’une charte de promotion de la parité. Cette charte prévoit la fixation d’objectifs différenciés selon les spécialités, un suivi annuel avec publication des indicateurs, et une vigilance accrue lors de la constitution des panels.

 

Entre exemplarité et contrainte

Le choix de l’Académie met en lumière un débat récurrent : comment concilier égalité des chances et légitimité scientifique ? Les quotas sont perçus par certains comme une solution rapide, mais jugés contre-productifs par d’autres, qui craignent qu’ils ne réduisent les femmes sélectionnées à un simple critère statistique. L’Académie préfère une démarche d’« exemplarité », valorisant les compétences plutôt que l’imposition de seuils obligatoires.

Cette position souligne une tension persistante : les femmes sont nombreuses, qualifiées et actives dans le champ médical, mais leur reconnaissance institutionnelle reste incomplète. Les mécanismes de sélection, souvent implicites, continuent de favoriser des profils masculins plus établis, retardant l’émergence d’une nouvelle génération de praticiennes et de chercheuses.

 

La féminisation de la médecine, une dynamique à consolider

La question dépasse largement la chirurgie. Dans de nombreuses disciplines, les mêmes écarts de visibilité se retrouvent : moins de femmes signataires d’articles dans les grandes revues, moins d’invitations à prendre la parole dans les colloques, moins de nominations aux postes de professeur des universités – praticien hospitalier (PU-PH).

La charte de l’Académie nationale de chirurgie s’inscrit donc dans une dynamique plus large : créer les conditions d’une progression réelle et durable, sans heurter les principes d’excellence scientifique. Reste à voir si cette approche volontaire suffira à combler le fossé entre une profession de plus en plus féminisée et une reconnaissance encore inégalement répartie.

 

Des statistiques révélatrices de la féminisation de la médecine

Les données les plus récentes confirment une transformation profonde du paysage médical en France, avec une féminisation qui devient majoritaire dans plusieurs secteurs. Selon les chiffres issus du répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) publiés par la DREES, au 1ᵉʳ janvier 2025, la France compte environ 237 200 médecins en activité régulière, parmi lesquels 118 600 sont des femmes — soit près de 50 % du total. Dans le domaine de la médecine générale, les femmes sont même désormais majoritaires, représentant 52 % des praticiens. Ce renversement est notable par rapport à 2012, où elles ne représentaient qu’environ 41 % du corps médical.

Sur le long terme, la DREES a également publié des projections démographiques montrant que la proportion de médecins femmes continuera de croître. Dans son étude « Les médecins d’ici à 2040 », la DREES anticipe que le corps médical sera non seulement plus féminisé, mais aussi plus jeune et plus souvent salarié. Ces évolutions traduisent un changement structurel de la profession, qui ouvre de nouvelles perspectives en termes d’organisation du travail et de pratiques médicales.

 

Les bénéfices de la féminisation des professions médicales

La féminisation croissante du corps médical ne se limite pas à un enjeu de représentativité : elle influe aussi sur la qualité des soins et l’organisation du système de santé. Plusieurs analyses en sciences sociales suggèrent que les femmes médecins adoptent, en moyenne, des pratiques de prise en charge plus centrées sur le patient, accordant davantage d’importance à la prévention, à l’écoute et aux aspects psychosociaux.

D’un point de vue organisationnel, cette évolution favorise l’émergence de modèles d’exercice plus diversifiés (temps partagés, téléconsultations, horaires aménagés), susceptibles de rendre la médecine plus attractive et plus soutenable, notamment dans les zones sous-dotées. La présence accrue de femmes contribue également à une meilleure prise en compte des problématiques de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, qui concernent aujourd’hui l’ensemble des praticiens.

Un autre apport majeur de la féminisation du corps médical tient à la diffusion de la médecine de genre, qui vise à mieux intégrer les spécificités liées au sexe et au genre dans la pratique clinique. Longtemps, les protocoles ont été établis sur la base de données masculines, ce qui a conduit à une sous-évaluation de certaines problématiques féminines. L’arrivée de nombreuses praticiennes favorise une plus grande reconnaissance de pathologies comme les douleurs menstruelles, l’endométriose ou les effets de la ménopause. Elle contribue aussi à affiner la compréhension de maladies communes — par exemple l’infarctus du myocarde, dont les symptômes diffèrent selon le sexe — et à ajuster la prescription de traitements dont les effets secondaires peuvent varier entre hommes et femmes. En ce sens, la féminisation des professions médicales ne relève pas seulement d’une question de représentativité, mais constitue également un levier pour améliorer la qualité et l’équité des soins.

 

Les femmes et la recherche, un Pitch signé Villa M

Une conférence brillante et surprenante autour de la thématique des femmes et de la recherche organisée par Villa M, l’écosystème de prévention imaginé par Groupe Pasteur Mutualité. Dans ce pitch, la microbiologiste Aude Bernheim interroge les stéréotypes encore présents en science, et montre comment l’intégration des variables de sexe et de genre ouvre de nouveaux champs d’exploration scientifique au bénéfice de toutes et tous. Découvrez tous nos derniers pitchs vidéos sur le site Villa M.

 

Sources :

Féminisation de la médecine : des bénéfices pour toute la profession | Savoirs – Le quotidien de l’Université de Strasbourg

 

 

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