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Créer et co-construire pour sortir du cancer, entretien avec Cécile Reboul, fondatrice de SKIN

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Depuis 2012, l’association Skin aide les personnes touchées par le “Cancer blues” à se reconstruire après le parcours de soins. Cette période consécutive aux traitements est très souvent compliquée à vivre, puisque 2 patients sur 3 estiment que l’après est plus difficile à vivre que la maladie*. Nous avions rencontré sa fondatrice et présidente, Cécile Reboul, il y a trois ans, elle venait d’être désignée Femme de santé 2020 (NDLR : lire l’interview). Qu’est ce qui a changé depuis ?

Propos recueillis par Laurent Joyeux le 26 octobre 2023.

 

Cécile-reboul-association-skin-INT

 

L’ambition de l’association Skin est de réinsuffler l’élan vital et de remettre les patients et anciens patients ou patientes dans le mouvement de la vie, dans le lien à l’autre, et dans le plaisir : des éléments essentiels au processus de résilience. Elle offre une échappée à ces personnes dans la joie, la créativité, le dépassement de soi et le partage. L’association suit chaque année individuellement 100 à 150 personnes : si certaines d’entre elles soignées à vie pour un cancer restent longtemps dans l’association, de nouvelles bénéficiaires arrivent chaque année. L’association multiplie les sorties culturelles au théâtre, au musée ou au concert ainsi que les ateliers collectifs. En 2023, un premier “Parcours des cinq sens Skin”, propose ateliers et sorties pensés autour des sens : l’odorat, le toucher, l’ouïe, etc. Ils sont couplés à des ateliers d’écriture sur chacun des sens. On sait combien se reconnecter à soi et aux cinq sens est important dans cette étape de l’après.

Cécile Reboul, fondatrice de l’association « Skin, l’après cancer compte »

 

Les binômes créatifs “une femme-un artiste ou un sportif”.

Skin a étendu son concept de binômes artistiques/sportifs au monde de l’entreprise. Des patientes ont travaillé avec des artisans du luxe chez Chanel. Elles ont cocréée, l’une un bijou de haute-joaillerie, l’autre un bijou fantaisie, une robe sur mesure, une blouse brodée ou encore un flacon de parfum. « Nous avons fait de même avec la maison de bijoux plus fantaisie “Les Georgettes”. Ça a tellement bien marché entre eux et cette bénéficiaire de l’association qu’ils n’ont pas créé qu’un bijou mais une collection ”capsule”* ! ».

Un bracelet cocréé entre le bijoutier « Les Georgettes » et Mathilde Bernin, patiente en rémission. Un projet porté par l’association Skin.

 

D’autres femmes, en binôme avec des humoristes de renom, coécrivent, mettent en scène et interprètent ces saynètes devant un parterre de plusieurs centaines de spectateurs. Après la période du covid, ces spectacles des Skin Sketch. « La quatrième édition des Skin Sketch a eu lieu début octobre, dans un grand théâtre parisien, Le Grand Point Virgule à Montparnasse. L’idée c’est d’offrir à nos bénéficiaires une expérience de dépassement de soi par le rire et la création. »

 

Témoigner sur l’après cancer en entreprise et auprès des étudiants

Skin intervient de plus en plus au sein des entreprises pour témoigner, sensibiliser à l’après cancer et expliquer les trois étapes de la prévention : primaire, secondaire et tertiaire. Ces étapes concernent respectivement les facteurs de risques, le suivi de l’état de santé des salariés et leur retour à l’emploi. L’association est souvent contactée par les entreprises. Parmi les thématiques abordées : pourquoi est-ce qu’on s’intéresse à l’après-cancer ? Ce que ça signifie en termes de coûts pour la société et pas seulement pour le patient. Depuis cette année, certains bénéficiaires de l’association deviennent aussi ambassadeurs : « Nous faisons souvent des appels à talents dans les entreprises parce que c’est un bel aspect de la RSE**. Les expériences de binômes chez Chanel et Les Georgettes ont montré que ça faisait vraiment sens pour les collaborateurs de s’engager auprès d’un ou une patiente ou d’un ancien ou une ancienne patiente, de lui faire découvrir ses compétences… ça permet aussi au collaborateur de l’entreprise d’ajouter du sens à son travail »

Skin intervient également dans les écoles post-bac. « C’est étonnant de voir comme les jeunes se sentent concernés ! Ils sont souvent bien plus concentrés que leurs aînés ! Nous parlons de prévention, – d’autopalpation quand il s’agit de cancer du sein – et aussi des actions menées par l’association : l’aspect artistique et/ou sportif les passionne. »

 

Accompagner les bénéficiaires de l’association dans leur reconversion

L’après cancer est l’occasion de découvrir autre chose, et pas forcément en reprenant son emploi***. Ces personnes se remettent toutes en question et veulent redéfinir leurs priorités de vie, personnelles et professionnelles. Souvent, elles s’orientent vers l’humain. « On ne les accompagne pas vers l’emploi… mais on leur permet de se recentrer sur elles-mêmes, leurs valeurs profondes, et de faire émerger ce qui fait sens aujourd’hui pour elles. Alors, généralement, elles veulent prendre soin d’elles, ne plus tomber dans une course folle professionnelle et, souvent, expriment le besoin de se reconvertir professionnellement. Pour exemple, une femme qui a fait carrière dans la banque est devenue ensuite prof de yoga. Une autre est devenue art-thérapeute… »

 

Un projet ? La Journée Skin

Nombreux sont les bénéficiaires de l’association touchées par différents cancers et qui ne se sentent pas représentées par la campagne d’Octobre rose dédiée au cancer du sein. Skin tient par exemple à mettre en avant la prévention du cancer du poumon qui risque de dépasser le cancer du sein en termes de mortalité chez la femme : d’une part, le pourcentage des non-fumeurs affectés par le cancer du poumon a doublé entre 2000 et 2020, d’autre part le tabagisme féminin est en augmentation constante, en regard d’une diminution chez l’homme.

« Nous avons le projet d’une première Journée Skin. Instaurer une journée chaque année, mais pas au mois d’octobre, pour sortir de cette grande marée ‘Octobre rose’. Parce qu’en fait, nous accueillons tous les cancers chez Skin, avec une immense majorité de femmes, et que plus personne ne s’y intéresse après le mois d’octobreJ’aimerais savoir comment mettre en lumière les cancers du poumon, le cancer du col de l’utérus et tous les autres types de cancers, dont les cancers rares : c’est intéressant pour les médecins et le tout-venantParler aussi de la vie ‘pendant après’ des personnes touchées par des cancers métastatiques. Et puis, n’oublions pas l’objectif 8 du Plan cancer 2014/2019, réduire les risques de séquelles et de second cancer. Non plus que la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2023 (Axe 2 : limiter les séquelles et améliorer la qualité de vie).  C’est aussi pourquoi cette Journée Skin me semble primordiale : nous prenons en charge l’humain de manière générale et personnalisée, nous nous intéressons à ses ressentis et à ses besoins en matière de santé globale. Alors, aujourd’hui, le principal message que j’aurais envie de faire passer serait, sans dramatiser et sans vous inquiéter inutilement, faites-vous suivre médicalement le plus tôt possible. Soyez également attentif à votre corps, à vos ressentis. C’est quand même beaucoup moins invasif dans une vie que de prévenir. Prenez l’habitude de consulter un médecin. Ce doit être un rendez-vous que je qualifierais d’hygiénique ! ».

 

SKIN : www.associationskin.org

Pour contacter l’association Skin : cecile@associationskin.org

Pour faire un don  : www.helloasso.com/associations/skin/formulaires/1

Pour adhérer : www.helloasso.com/associations/skin/adhesions/adhesions-2023

 

Pour en savoir plus

 

Notes

* 7e rapport de l’Observatoire sociétal des cancers

** RSE : responsabilité sociale des entreprises

*** Un tiers des personnes touchées par le cancer quittent ou perdent leur travail dans les mois qui suivent la maladie